Rencontre avec Leonora Schlünz

Du Festival Objectif Censier à de nouveaux projets : rencontre avec Leonora Schlünz, une réalisatrice en plein essor

L’édition 2024 du Festival Objectif Censier approche à grands pas ! C’est l’occasion pour nous de retrouver d’anciens participants pour en apprendre plus sur leur propre expérience et sur ce qu’ils sont devenus. Leonora Schlünz a participé à l’édition 2022 qui portait sur le thème « Bouche Cousue » avec Zone Blanche, un court métrage co-réalisé avec son amie Apolline Bezançon. Elle nous raconte ici son parcours, sa participation au festival et ses projets actuels.

Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Leonora, j’ai 22 ans et je suis passionnée par le cinéma et la musique depuis toute petite. J’ai fait une double-licence Cinéma-Théâtre et je suis cette année en M2 d’Études Cinématographiques à la Sorbonne Nouvelle. Je suis arrivée à la fac en ne sachant pas trop ce que je voulais faire plus tard mais l’aspect créatif me parlait énormément et j’ai très vite commencé à me dire que j’aimerais bien réaliser des courts métrages, et à terme des longs métrages.

Qu’est-ce qui t’as donné envie de participer au Festival Objectif Censier ?

Quand on a appris en L3 l’existence du festival avec Apolline, on s’est tout de suite dit qu’on avait très envie d’y participer. Je trouvais dommage qu’il n’y ait pas de pratique à la fac, donc c’était une occasion en or. Aussi, je commençais à y voir plus clair et à comprendre que je voulais m’orienter vers un métier dans la réalisation.

Comme j’avais absolument envie de faire de la fiction, l’atelier « Fiction de variété » me parlait. Il fallait inclure au moins un morceau de musique dans le film, ce qui me parlait d’autant plus car la musique est ma deuxième passion. Étant en double-licence, le TD de préparation au festival n’était pas dans notre brochure… c’était frustrant, alors nous y avons participé en tant qu’auditrices libres. 

Est-ce que tu avais déjà l’histoire de Zone Blanche en tête avant de t’inscrire au TD, ou est-ce que l’idée est née de ta participation ? 

J’avais une idée d’univers en tête. Je regarde beaucoup de films depuis toute petite donc des préférences s’étaient dessinées en termes d’esthétique et d’univers artistique. Je savais que c’était très dur d’écrire des dialogues, surtout pour des courts métrages à petit budget : c’est compliqué de faire passer des messages en peu de temps. Je ne voulais donc pas en avoir beaucoup, ce qui collait bien avec le thème « Bouche cousue ». Je savais que l’univers de la science-fiction me parlait énormément. Je me suis dis que j’avais envie de créer un monde dystopique. L’inspiration principale de Zone Blanche est 1984 de George Orwell. 

Ce qui est chouette c’est que c’était un projet ambitieux de recréer un tel univers en L3. C’est ça qui est beau dans les premiers projets, on se dit que tout est possible ! Evidemment, avec le recul, on voit les points négatifs du court métrage, on est dures avec nous-mêmes, mais il reste notre premier bébé. 

Comment s’est déroulée la préparation avec le TD de la fac ? 

L’atelier « Fiction de variété » était animé par Pascal-Alex Vincent. Nous étions une vingtaine d’étudiants. Tous les professeurs qui animaient un atelier avaient un fonctionnement différent pour la constitution des équipes. Monsieur Vincent nous a fait faire un exercice de pitch : chacun passait devant les autres pour pitcher son idée et les histoires avec le plus de votes à main levées allaient être réalisées. 

J’avais pitché l’idée de Zone Blanche (qui a beaucoup changé entre-temps) et obtenu pas mal de votes. Apolline avait aussi pitché une idée mais finalement on s’est dit qu’on voulait vraiment faire un film ensemble. 4 ou 5 idées étaient ressorties. Ensuite les étudiants du TD allaient vers les réalisateurs des différents pitchs et leur proposaient de travailler avec eux. C’était un peu difficile parce qu’en L3, les gens ne savent pas forcément ce qu’ils veulent faire exactement dans le cinéma.

Nous avons créé une équipe de tournage pour Zone Blanche. J’ai aussi travaillé pour d’autres films du Festival, les courts métrages Fausse Route et Jalousie. J’avais envie d’essayer d’autres postes. 

Nous avons eu beaucoup de cours mais Monsieur Vincent nous donnait plutôt des références d’ouvrages à lire pour apprendre à réaliser un film et des conseils sur notre scénario avec des règles de base : par exemple, un personnage doit évoluer et se retrouver à la fin à un endroit différent de celui où il était au début. C’est dur de développer une histoire et des personnages en 5 minutes, d’où la fin de Zone Blanche dans laquelle le personnage décide d’arrêter d’obéir. Il fallait montrer qu’elle évoluait sans pouvoir raconter tout son chemin, c’était un défi. Par la suite, notre groupe a été assez autonome.

Comment s’est déroulé le tournage ? Quels ont été les imprévus et difficultés auxquels vous avez dû faire face ? Quels ont été les meilleurs moments ? 

Le tournage s’est déroulé en janvier 2022. Nous avions créé une cagnotte, nos familles et nos amis nous ont aidé à financer le film. On ne se rendait pas compte que c’était cher de faire un court métrage, mais on s’en est sorti à 300-400 euros sans faire de demandes de subventions. 

Le plus difficile, comme c’était notre premier tournage, était de trouver les lieux. Pour les plans en extérieur, on avait repéré le quartier de la BNF, l’endroit qui faisait le plus « dystopique » dans Paris. On a assez vite trouvé un tunnel (près des Tuileries), mais c’était compliqué de tourner à un moment où personne ne passait dedans. Le plus compliqué a été de trouver les lieux d’intérieur. Pour la cave, personne autour de nous n’en avait, on n’avait pas de lieu la veille du tournage ! Finalement on a réussi à en trouver une grâce à un membre de l’équipe. Mais on l’a découverte le jour du tournage… Pour la chambre, il nous en fallait une très impersonnelle. On a dû trouver une chambre d’hôtel à louer, dans un hôtel qui nous autorisait à filmer sans déranger les clients, et en s’adaptant aux horaires. 

Mais j’ai adoré l’ambiance du tournage ! C’était trop excitant de se dire qu’on faisait notre petit film. On se sentait vraiment à notre place. Il y avait une bonne entente dans l’équipe. Même les moments de galère sont des bons souvenirs car ils nous ont forgés et nous ont appris à être autonomes, nous débrouiller seuls. On y connaissait rien et on a tout appris sur le tas.

Pour l’anecdote, le plan sur les escalators a été tourné dans la station de métro François Mitterrand un jeudi à 11 heures. Nous avions peu de temps car c’était le rush à chaque sortie de rame. On avait une dizaine de secondes d’intervalles entre deux sorties. Finalement, on a tourné pile au bon moment et on a réussi à avoir ce plan où il n’y a personne. On était tellement fières d’avoir obtenu le rendu qu’on voulait ! C’était très chouette de recréer un monde à partir de rien, de faire les repérages, d’écrire et créer avec une amie. On se posait plein de questions sur comment faire quoi. On a fait des petites dépenses à droite à gauche. Pour les costumes blancs, on a utilisé des combinaisons de peintres, et on a commandé les caméras de surveillance en ligne.

Comment s’est passée la post-production ? 

J’ai fait le montage avec Apolline dans une salle de montage au campus Censier. Aujourd’hui on délègue un peu plus les tâches mais là le montage allait avec le projet, il fallait qu’on le fasse nous-même. De mon côté je faisais beaucoup de clips de musique avant, donc j’avais des bases. C’était un peu compliqué pour le son. Nous avions une prise de son pendant le tournage mais c’était difficile de trouver des bruitages (des pas, des sons d’ambiance dystopique…). On les a pris sur des bases de données Internet : les sons d’ambiance, par exemple, sont en vérité des enregistrements de sons de planètes. Monsieur Vincent est venu nous voir une fois au montage et a regardé une première version. 

Comment est-ce que l’association Objectif Censier t’a assistée dans ton projet ? 

Les filles de l’association ont toujours été très motivées pour projeter Zone Blanche, elles nous ont beaucoup aidé de ce côté-là. Elles m’ont plusieurs fois proposé par la suite de projeter mon film à différents évènements. Elles reviennent souvent vers moi et sont très fortes du côté de la communication !

L’atelier Son organisé cette année pour les étudiants-réalisateurs était une bonne idée. C’est bien d’avoir la possibilité d’échanger avec les anciens. Cela nous aurait été utile, il n’y a rien de mieux que d’avoir des retours d’expériences et des conseils de gens qui sont passés par là. Le son est tellement important alors qu’on y pense pas forcément au début, on se concentre plutôt sur les images. C’est tout un métier. 

Comment s’est passé le festival ? Quelle ambiance y avait-il ? Et comment as-tu vécu la projection de votre court métrage ? Vous étiez stressées ? 

La projection a eu lieu à l’amphithéâtre de la fac. C’était trop chouette. On découvre toutes les autres œuvres à ce moment-là et j’avais très envie de savoir ce que les autres participants avaient fait de ce thème. C’était génial de se rassembler pour regarder nos films. 

On était stressées car c’était notre première projection. On avait un peu peur de ce que les gens allaient penser du film, surtout qu’Objectif Censier nous avait mis en clôture du festival. Mais nous avons eu plein de retours positifs ! L’ambiance était tellement bienveillante qu’il n’y avait pas de raisons d’avoir peur. On était un petit peu déçues sur le coup de ne pas recevoir de prix car on était très investies mais on s’est vite dit que ce n’était pas ça qui comptait. On était déjà fières de notre film et beaucoup de gens sont venus nous féliciter, l’avis des gens vaut plus qu’un prix. 

Est-ce que Zone Blanche et ta participation au festival t’ont ouvert des opportunités ? As-tu montré le court métrage à des professionnels ?

Nous avons envoyé le court métrage à plusieurs festivals et nous avons fait une projection à l’Open Screen Club, en salle de cinéma. Les membres d’Objectif Censier étaient très motivées pour le réintroduire dans des éditions. Mais à part ça, Zone Blanche est resté dans le cadre de la fac. 

Peux-tu me parler du nouveau court métrage que tu prépares ? 

Mon projet actuel s’appelle La guêpe, c’est mon troisième court métrage. J’avais réalisé le deuxième dans le cadre du Nikon Film Festival, avec Apolline en assistante-réalisatrice et productrice. C’était une très belle expérience mais j’ai un peu été laissée sur ma faim avec la contrainte du temps (2m20) et du thème. Après ça j’ai eu envie de faire un projet plus personnel et avec moins de contraintes, c’était important pour moi afin de me chercher en tant que réalisatrice. 

La guêpe est un projet personnel inspiré d’une nouvelle écrite par mon père – j’avais aussi envie de faire un exercice d’adaptation. Je me suis assez éloignée de la nouvelle mais c’est ma base. J’ai écrit le scénario cet été et fait le découpage technique. J’en ai parlé à Apolline et elle a été emballée pour le produire. Le film va durer entre 10 et 15 minutes. Il parle d’un jeune homme aquaphobe qui se rend dans une piscine municipale pour essayer de surmonter sa peur de l’eau. Il fait la rencontre d’une nageuse qui incarne tout ce qu’il n’arrive pas à être et la liberté que tu peux avoir dans l’eau. Puis il y a une histoire de guêpe… je joue sur l’absurde et le décalé, on ne sait pas trop ce qui est réel ou dans son imaginaire. Il y a peu de dialogues, on se concentre sur les émotions intérieures. Nous avons l’objectif de le finir d’ici mars-avril.

Je rêve de pouvoir l’envoyer en festival, le montrer et le faire vivre. Nous avons vraiment senti, avec ce film, l’évolution par rapport à nos débuts. On a obtenu des subventions : le FSDIE de la Sorbonne Nouvelle et le Crous, en plus de notre cagnotte. On s’est dit qu’il fallait s’organiser à fond, prévoir un maximum. Il y a toujours des erreurs et des imprévus mais on essaye vraiment de faire quelque chose de professionnel. 

Quels sont tes projets pour la suite de tes études et de ta formation de réalisatrice ?

En ce moment j’écris un mémoire sur la musique dans les films de Paul Thomas Anderson. Je ne voulais pas faire un Master à la base mais j’avais vraiment envie de me spécialiser en cinéma. Les professeurs sont géniaux à la fac et le statut étudiant est un vrai avantage. J’ai voulu allier cinéma et musique pour travailler sur un sujet qui me passionne pendant deux ans. 

Pour la suite, les écoles privées ne me tentent pas. J’avais tenté le concours de la Fémis en L3. Finalement, je me suis dit qu’il y avait bien d’autres manières de rentrer dans ce milieu. Je suis dans l’optique de faire, faire, faire… et apprendre sur le tas. J’aimerais prendre le temps de voyager l’année prochaine, d’aller aux Etats-Unis, à Los Angeles notamment, pour essayer de travailler afin de m’insérer directement dans le milieu. Ou alors j’aimerais bien faire un stage en boite de production pour en apprendre plus sur cet aspect.

Pour finir, as-tu des conseils pour les participants de l’édition 2024 et les futurs participants du festival ? 

Préparez très bien le tournage ! Il faut anticiper les imprévus un maximum pour être vraiment détendu le jour du tournage. Ayez confiance en ce que vous faites même si c’est un premier projet et même si ce n’est pas parfait. C’est une expérience très importante à vivre. Il faut se faire plaisir dans ses choix artistiques. Il faut aussi être à l’écoute des autres. C’est important de travailler en équipe car seul on ne fait pas de films. Sans mes amis qui travaillent avec moi, je ne pourrais rien faire de mes idées artistiques. Il faut bien s’entourer : non seulement ça fait un beau film, mais en plus on prend plaisir à faire le projet ! 

Un article écrit par Liza Griffiths d’après une idée d’Océane Boyadjian.

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1 thought on “Rencontre avec Leonora Schlünz

  1. Thierry Aue says:

    Bravo pour cette belle interview ! Et bonne route Leonora ! Avec ton talent et ton opiniâtreté je suis sûr qu’on verra prochainement tes films au cinéma !
    Il me tarde de voir cette guêpe !

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