Le FEMA en salle, ça donne quoi ?

Les conditions de visionnage au FEMA

Durant notre petit séjour à la Rochelle, nous avons eu l’occasion de regarder des films (ou de dormir) dans un large panel de salles, avec un confort, des sièges, des dispositions différentes. De ces expériences de spectateur.rices, nous nous sommes posé une question : que retenir de chaque salle ?

Il faut déjà mentionner qu’il y a deux bâtiments principaux autour du FEMA, le CGR Dragon et La Coursive. Le premier est un cinéma avec 6 salles, le deuxième est un lieu théâtral (une scène nationale avec 3 salles, dont une de cinéma), utilisé ici afin de diffuser des films, accueillir un grand nombre de personnes et organiser des tables rondes.

Aodren

En ce qui concerne La Coursive, nous avons trois salles. La Salle Bleue (SB), la Grande Salle (GS) et le Théâtre Verdière (VE). La Salle Bleue est une très bonne salle, qui a comme dispositif un système de sous titrage pour sourd et malentendants (installé pour le festival). Le confort n’est pas idéal néanmoins. La Grande Salle est parfaite pour arriver en retard et ne pas se faire repérer en pouvant arriver en fond de salle, le confort est de même qualité que pour la SB. Et pour finir, le Théâtre Verdière est une très grande salle, parfaite pour accueillir un maximum de personnes. Et elle est d’un confort acceptable.

Si les tables rondes et les grandes salles ne vous intéressent pas, les salles du Dragon sont aussi de très bonne facture. La D3 est d’un confort à toute épreuve, qui vous envoie dans les bras de Morphée en moins de temps que pour dire saucis… La D1 est d’un très bon confort aussi, mais le meilleur point se situe autre part selon moi. Il y a toute une zone très large au fond de la salle où personne ne vient jamais s’asseoir, me permettant de m’allonger sur le sol pour regarder le film en embêtant que tchi.

Romain

Pour commencer, parlons du confort des différentes salles associées au Festival de La Rochelle. Concernant le CGR Dragon, c’est un cinéma assez confortable en termes d’assise, les sièges ont déjà quelques années mais ils restent tout à fait agréables, le seul souci serait peut-être le fait que les salles soient « plates », sans la fameuse pente qui nous permet de voir le film même si notre voisin de devant est très grand. Le système son est efficace, les écrans sont adaptés aux tailles des salles. Tout est réuni pour que le spectateur profite du visionnage du film. 

A propos des salles de La Coursive, c’est un peu plus compliqué, certainement du  fait que ce sont des salles de spectacle plus que des salles de projection (à l’exception de la Salle Bleue). Les équipements sonores et visuels font largement le boulot, mais les sièges sont pour moi le point noir du lieu, pourtant si accueillant. L’espacement entre les rangées est insuffisant, ce qui oblige les spectateurs de grande taille (comme moi) à se contorsionner et les dossiers ne sont pas assez hauts, empêchant le public de se blottir dans son siège.

 

Pour que l’expérience en salle soit optimale, le confort des sièges doit être accompagné de conditions de projection parfaites. Petite précision pour les amateurs de technique, il faut savoir que les projectionnistes qui travaillent pendant le FEMA ne sont pas ceux qui font tourner le cinéma le reste de l’année. Le festival recrute alors une équipe dédiée à l’événement, des personnes très expérimentées qui travaillent notamment à Cannes et dans d’autres festivals de ce genre. Certaines projections sont en numérique mais aussi en pellicule donc le rythme de projection est très intense. C’est un véritable jeu d’acrobatie qui est mis en place pour pouvoir démarrer les projections à l’heure et ne pas faire ressentir les difficultés rencontrées aux spectateurs. GG à cette équipe de l’ombre qui nous permet de profiter du FEMA et de découvrir des films dans les meilleures conditions possibles. 

Océane

Le confort a un rôle essentiel dans l’expérience de visionnage du film en salle, mais il faut tout de même penser de façon plus générale et parler d’inclusion. 

Le Festival La Rochelle Cinéma a à cœur de proposer des œuvres pour tous types de publics : les plus jeunes, les professionnels du cinéma, les personnes atteintes d’un handicap, les personnes âgées etc. Toutes les conditions sont réunies afin que tout le monde puisse profiter ensemble du même film. Avec des séances VAST, des ciné-relax, des films sous-titrés en plusieurs langues ainsi que la possibilité d’emprunter des casques pour l’audio-description durant certaines séances, le FEMA se veut être un festival précurseur en termes d’inclusion. Cette année, 4 films ont été projetés en audiodescription (Le Jouet de Francis Veber et Un divan à Tunis de Manele Labidi), dont 2 audiodescriptions ont été réalisées par le festival : Donne-moi tes yeux de Sacha Guitry et Linda veut du poulet ! de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach.

 

Les séances ciné-relax sont à ce titre le meilleur exemple pour partager la culture. En effet, la séance est précédée d’un discours émis par un médiateur qui explique le déroulement de la projection. Il s’agit alors de mettre en place un climat « safe » dans lequel chacun pourrait être  libre de ses gestes et de ses mots sans avoir peur d’être jugé par les autres spectateurs. 

Il faut être conscient que pour les personnes ayant un comportement dit atypique, la séance classique en salle peut être un calvaire, un lieu déconseillé de peur de déranger ou d’être exclu.es. Savoir que chacun.e a sa propre manière d’appréhender un film et son visionnage permet aux personnes en situation de handicap d’apprécier la culture et de se sentir « dans la norme »; à leur entourage de pouvoir profiter d’un moment de vie avec leurs proches, mais aussi aux spectateur.rices traditionnel.les de comprendre les difficultés que peuvent rencontrer les autres, dues à une pratique cinématographique normée qui demande le silence complet en projection.

Isaline

Si l’espace, la technique et les valeurs dans l’accueil du public sont des points importants parmi les conditions de projections, la médiation en est elle aussi une question qui semble essentielle de pointer. Le FEMA fait en effet le choix d’accompagner d’une médiation une majorité des projections et ce, via différents intervenant.es. Ainsi, les délégués généraux (Arnaud Dumatin et Sophie Mirouze) ou la co-directrice artistique (Sylvie Pras) présentent des séances lorsque celles-ci sont spéciales (ciné-concerts, ciné-relax, avant-premières, rétrospectives dans un parcours, …) notamment pour accompagner et permettre d’identifier les intervenant.es invité.es, qui sont lié.es à ce qui sera projeté ensuite. De cette façon, iels sont des figures récurrentes et des points de repères pour les spectateur.rices tout au long du festival, autant visuellement que dans le style de présentation. Iels donnent des informations, s’assurent du bon déroulement de la séance, et les accompagnent. Après ce premier discours viennent ceux des intervenant.es ; si la projection est agrémentée d’une conférence, d’un concert, etc. Alors ces artistes ou orateur.rices s’expriment sur la raison de leur venue et sur leur participation à la projection ou ce qui suivra. Souvent, les films sont accompagnés des réalisateur.rices ou artistes du film, ou bien des producteur.rices, distributeur.rices, ou autres partenaires (Il y avait, par exemple, une des responsable du festival de Brive pour la projection Carte Blanche sur leur programmation). Ces présentations sont souvent plus spontanées, une façon d’introduire le film via le regard de personnes qui l’ont fait ou accompagné. Il peut aussi s’agir de chercheur.euses ou spécialistes qui évoquent le travail de l’artiste ; par exemple, Raphaëlle Moine et Charles Tesson, enseignant.es chercheur.euses dans notre université, la Sorbonne Nouvelle, sont venus présenter un film de Sacha Guitry chacun, dans le parcours sur le travail du réalisateur. Le festival met aussi en place des partenariats, et notamment avec la Fémis pour que les étudiant.es en exploitation présentent au moins une séance avec une des trois responsables précédemment cités. 

 

Les séances peuvent être suivies d’échanges ou font l’objet de rencontres et tables rondes quand il s’agit des artistes mis à l’honneur (hommages, rétrospectives). Ces médiations , préséances et post-séances font partie de l’identité du festival et des conditions dans lesquelles les films sont visés à être projetés. Les spectateur.rices sont donc documenté.es, ce qui participe à créer des liens, faire vivre le festival comme un événement de rencontres, tout d’abord ; ces interactions avec le public sont aussi liées à une volonté de montrer des films qui ne seraient pas forcément vus en salle, donc en leur fabriquant un écrin propice à leur visionnage. Enfin, parce que le festival entreprend bon nombre de partenariats ainsi que des ateliers de réalisation ou de création sonore, il paraît évident que ces choix de médiations sont aussi le résultat d’une volonté de partager, d’échanger et de faire pratiquer ou découvrir par la théorie ou les dialogues spécialistes/public, autour du cinéma. 

 

Choisir de venir au FEMA, c’est donc sûrement renoncer à une habitude de consommation individuelle des films. Bien que pour nous étudiant.es, mais aussi pour toutes personnes curieuses, ces intérêts pour le spectatorat sont remarquables et appréciables dans les festivals (du moins nous avons pu en être témoins également aux festivals de Brest et Paris Court Devant), je m’interroge. Le public présent sur place reste, comme dans les salles, d’un âge assez avancé – en somme, bon nombre de retraités, journées et soirées confondues. Dans une économie et un système qui cherche à toucher de nouveau un public plus jeune, est-ce que pour ces dernier.ères habitué.e.s à voir les films principalement sur petit écran et sans médiation, celle-ci ne peut pas aussi être déstabilisante ? Si l’accompagnement ravit quand on a envie d’apprendre, n’est-il pas un frein pour celleux qui se plaisent et ne pensent pas à s’échapper d’une routine de pratiques ? 

Un article écrit par Océane Boyadjian, Romain Dubourg-Ramy,Aodren Roth et Isaline Riet–Lesieur.  

Une idée de Romain Dubourg-Ramy