Interview S.A.D.

Interview S.A.D Dan Tran, Valentin Decodts et Cyril Jannin

La rédac d’Objectif Censier a recueilli pour vous, les témoignages des créateurs de S.A.D, un film centré sur le thème de la dépression…

Est-ce que vous pouvez nous décrire l’atelier réalisation dans lequel vous étiez ?

Dan : On était tous inscrits dans l’atelier « Fiction de variété » mené par le cher PAV qu’on ne présente plus. La contrainte était de réussir à caser dans nos films un extrait d’un morceau de variété parmi une liste que PAV avait préalablement élaborée. On avait le choix entre :

  • Moi je vérifie de Naza, Aya Nakamura et Dadju
  • Les héros de Barbès de Juniore
  • Thaï Na Na de Kazero
  • Une miss s’immisce d’Exotica
  • Séquelles de Mc Solaar
  • Kick the door de Betta Lemme

Personnellement, je n’en connaissais aucun. Il me semble que j’avais juste déjà entendu Moi je vérifie de Naza, Aya et Dadju en soirée mais j’étais sûrement un peu trop alcoolisé pour m’en souvenir.

Valentin et Cyril : Durant les premières séances nous avons clarifié les différentes conditions que devait respecter chaque script, notamment au niveau de la musique. Pour cet atelier nous avions cinq musiques proposées et nous étions obligés d’en utiliser au moins une. Ensuite nous avons pitché nos projets devant le reste de l’atelier et les projets qui auraient la chance d’être réalisés ont été ceux qui ont récolté le plus de votes. Je pense que je peux affirmer que nous avons tous été très bien suivis de l’écriture du scénario au tournage avec de très bons conseils et de très bons retours.

Qu’avez-vous pensé du thème Bouche Cousue ?

Dan : Plutôt intéressant à explorer, à la fois restreint et large, qu’on peut interpréter sous différents angles. Pour ma part, au départ, ça m’a directement fait penser à Motus. Mais bon, je me suis dit que ce n’était pas super drôle. Sinon, ça peut signifier quelque chose d’inavouable, de dissimulé, qu’on n’ose pas révéler. Par peur, par peur du regard des autres par exemple.

Valentin et Cyril : C’est un très bon thème qui, comme on l’a vu durant les projections, permet une grande diversification des sujets.

Comment avez-vous eu l’idée du sujet pour ce film ?

Valentin et Cyril : Nous avions déjà longuement réfléchi durant les vacances à faire un film sur l’anxiété et la dépression, alors quand le premier regroupement d’Objectif Censier s’est déroulé et que le thème a été annoncé c’était l’occasion de réaliser ce projet.

Décrivez-nous le casting, les repérages (pourquoi avoir tourné en partie à la fac ?), l’acquisition du matériel…

Dan : Pour le casting, j’avais déposé une annonce sur cineaste.org. Ce fut la jungle, la boite mail a explosé. Pour les quatre rôles on avait reçu plus de 150 candidatures. Tout le monde connait ce site mais je le recommande si jamais vous n’avez pas de contacts, tous les comédiens le scrutent, mais vous pouvez trouver du (très) bon comme du (très) mauvais. Le casting fut un énorme travail, Valentin et Cyril ont regardé tous les profils un par un et me communiquaient ceux qu’ils préféraient, et je m’occupais de trier tout ça dans un gros tableau Excel. 

On avait réussi à réserver une salle à la fac pour organiser les auditions (merci PAV) qui se déroulaient toutes le même jour. Ça faisait plutôt pro de les faire passer dans une vraie salle de classe, surtout que ça renvoie directement à la première scène du film, donc parfait. J’ai embêté les gens de la sécu pendant toute la journée pour faire rentrer des personnes extérieures de la fac mais ça s’est plutôt bien passé, ils étaient sympas. 

Le choix final de Valentin et Cyril s’est porté sur Chloé pour le rôle principal de Laura, pour son côté innocent et touchant. Léa (qui est d’ailleurs une ancienne étudiante de P3) pour sa pêche et sa volupté. Julien car il a un truc assez déconneur dans sa manière d’être. Et Marc pour son autorité et sa bienveillance, assez impressionnant dans le rôle du prof (qui s’appelle d’ailleurs Marc dans le film, incroyable).

Dans le scénario, il y avait des scènes de classe et donc on n’a pas cherché midi à 14h, on a décidé de tourner à Paris 3. C’était pendant les vacances d’hiver donc heureusement il n’y avait pas grand monde. Pour la scène des toilettes on a choisi celles du bâtiment A car si vous ne le saviez pas, elles sont plus stylées que celles du bâtiment D (eh oui) ! Et d’ailleurs il y a un faux raccord dans le film, je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais quand Laura sort des toilettes elle est dans le bâtiment D alors que les toilettes où elle est partie se réfugier sont celles du bâtiment A. C’est beau la magie du cinéma…

Pour la scène de la soirée et celle de la chambre, mon super pote Mathis que je remercie 1000 fois m’a filé les clefs de son appart pour le tournage. Ça tombait pile poil avec son voyage à Budapest, j’étais libre. Il ne le sait pas mais après la très dure et longue 2e journée de tournage où on on a bien profité et fêté autour de plusieurs verres, j’étais trop déchiré et j’ai dormi dans son lit. Désolé Mathis. Mais ça va j’ai pris soin de son appart et j’ai fait le ménage le lendemain matin.

Pour la scène de la forêt, Valentin et Cyril ont fait des repérages en voiture et c’est celle de Meudon qui leur a tapé dans l’œil. Elle était assez calme et on a pu faire péter des fumigènes tranquillement. Par contre tourner là-bas fut assez difficile pour toute l’équipe, en particulier pour Chloé l’actrice principale. On avait prévu une scène de nuit donc on a dû attendre dans le froid jusqu’au coucher du soleil, c’était terrible. En plus dans la scène, elle était vêtue en robe, c’était encore plus terrible. Heureusement qu’on avait des plaids et de quoi se chauffer sinon on aurait tous attrapé un sale truc. Et comme je ne suis pas très fute-fute je m’étais ramené en chaussures blanches, qui sont devenues noires à la fin de la journée. RIP à elles.

Pour le matériel, Valentin et Cyril disposaient déjà de leur propre caméra ainsi que la gimbal (grave stylée d’ailleurs). Sauf qu’ils ont dû louer un objectif (dédicace à la boite Full Motion) et pendant tout le tournage Cyril avait une caution de 2000€ qui lui pendait au nez. Heureusement tout s’est bien fini et l’objectif a été rendu en parfait état. Clémence et Hugo avaient leurs propres éclairages et le grand et magnifique Emile Rannou son matériel de prise de son. D’ailleurs, trouver un ingénieur du son fût une énorme galère, et une grande histoire qu’on pourrait raconter dans un livre.

Valentin et Cyril : Dan, notre assistant réalisateur, a publié une annonce avec les différents profils pour les 4 acteurs principaux que nous recherchions et on a eu plusieurs dizaines de candidature à trier pendant les vacances de noël. A la rentrée, on a organisé des essais pour ces 4 rôles sur une journée à la fac et on s’est rapidement décidé.

On a décidé de tourner une partie à la fac car on pense que pour les personnes souffrantes d’anxiété ça peut être un lieu très anxiogène et on voulait faire développer notre protagoniste dans ce cadre scolaire, voir comment elle réagit à différentes situations… De même, il était important pour nous de la voir se développer dans son intimité, cela permet de la voir sous un autre jour, de voir qui elle est vraiment. On a eu beaucoup de difficultés à trouver l’appartement et c’est encore une fois grâce à Dan et l’un de ses amis qui nous l’a gentiment laissé pour une journée.

On avait déjà une bonne partie du matériel (caméra, guimballe, trépied, lumière, …), Emile, notre ingénieur-son, a ramené tout le matériel nécessaire à la prise audio. Nous avons dû user d’ingéniosité, par exemple les scènes dans l’appartement doivent se dérouler de nuit mais on n’avait pas d’autre choix que de tourner la journée et il n’y avait pas de volets donc on a collé des cartons sur les fenêtres pour créer le plus d’opacité possible.

Dans votre film vous utilisez des musiques envoutantes/prenantes, pouvez-vous nous parler de ces choix ?

Valentin et Cyril : Dans le cadre de notre atelier, nous devions obligatoirement choisir au moins une musique parmi cinq proposées, notre choix s’est donc porté sur « Kick The Door » de Betta Lemme mais elle ne s’inscrivait pas vraiment dans l’atmosphère que nous voulions donner au film donc on a demandé à Emile de la torturer un peu en augmentant les basses au maximum et réduisant les aigus pour donner l’impression qu’on se situer entre le rêve et le cauchemar.

Pour les autres musiques elles viennent de nos écoutes quotidiennes, généralement, soit nous pensons à un plan en ayant une certaine mélodie en tête, soit une musique en particulier nous donne l’idée d’un plan et du coup ce ne serait pas honnête de ne pas l’incorporer.

Une anecdote de tournage à raconter ?

Dan : Pour la scène de la soirée, j’avais interdit à tout le monde de boire de l’alcool, j’avais carrément caché les bières. Mais j’avoue, j’ai bu en secret (oh le fou !!!!).

Sinon, plus sérieusement, j’ai une vraie anecdote mais elle est plutôt compromettante alors je ne nommerai pas les personnes concernées. Pour la même scène de la soirée, à un moment, on devait enregistrer un dialogue de dispute entre deux comédiens. Ils étaient censés s’engueuler et se moquer l’un de l’autre pour un verre cassé. Sauf que ces deux acteurs, et ben… ça se voyait pendant le tournage qu’ils ne s’appréciaient pas vraiment. Le dialogue enregistré était alors très sincère et on sentait que chaque insulte balancée venait du cœur. C’était aussi passionnant que gênant à regarder. Et comme je suis un peu un salaud, je leur ai dit de refaire une prise pour qu’ils en rajoutent une couche, alors que la première était déjà très bonne. Oui, je suis un peu sadique.

Valentin et Cyril : Cyril et moi habitions sur Dunkerque durant le tournage qui s’est déroulé sur trois jours donc on faisait la routé très tôt le matin et très tard le soir ce qui ajoutait encore plus de fatigue.

Dans votre film on retrouve des effets spéciaux/visuels, pouvez-vous nous expliquer comment vous les avez réalisés ? Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

Valentin et Cyril : En ce qui concerne les flaques noires, c’est du slime que mes sœurs ont créé avec du colorant noir, ensuite Gaspard a détouré les plans de la forêt pour qu’ils prennent la forme de la flaque et les a incrustés à l’intérieur.

Pour le plan dans le couloir de l’immeuble, notre graphiste Chloé a dessiné l’arrière-plan sur le logiciel Procreate car nous voulions vraiment donner cet effet de profondeur derrière Laura, ce qu’une simple image noire ne nous permettait pas. Nous avons ensuite incrusté ce dessin sur le fond vert et fait des ajustements colorimétriques sur Laura.

Les effets de fumée ont été les plus compliqués à réaliser. Concernant le mannequin, nous avons simplement mis un fumigène noir à l’intérieur et utilisé un filtre miroir pour donner cette impression que la fumée sort de la même façon de chacune des interstices. C’est pour la chambre que ça se corse. Nous avons tout d’abord envisagé de dégoupiller un fumigène dans l’appartement mais ça aurait été beaucoup trop dangereux, ensuite nous avons filmé une scène sur fond vert dans la forêt sur laquelle nous avons allumé un fumigène cependant lors du montage nous nous sommes rendus compte que la différence de lumière et le mouvement de la fumée à cause du vent ne donnait pas un rendu satisfaisant. Nous avons finalement trouvé une solution dans une banque d’image que proposait de la fumée noire sur fond vert avec un éclairage qui nous permettait ensuite d’incruster le plan de Laura sur son lit.

Les effets visuels comme le titre du film par exemple ont été exclusivement réalisés grâce à l’option animation sur le logiciel Procreate.

Et finalement, les plans de la pièce entièrement noire avec l’ampoule qui s’allume ont été tournés en miniature avec les caméras le plus loin possible et le un zoom très élevé.

Bien sûr nous avons rencontré de nombreux problèmes informatiques, la plupart de nos ordinateurs ayant beaucoup de difficultés à faire fonctionner ce genre de logiciel mais je pense qu’on ne s’en est pas trop mal sortit.

Quel souvenir gardez-vous du festival Objectif Censier 2022 ?

Dan : En toute sincérité, je ne pensais pas que ça aurait été aussi bien. Dès le premier jour de projection, j’ai été agréablement surpris par la qualité des 11 premiers films, je ne m’attendais pas à ça. C’est à ce moment que j’ai compris que cette année, le niveau serait particulièrement élevé, et mon impression s’est confirmée le deuxième jour. J’avais déjà assisté au festival il y a 3 ans et franchement, à part 2 ou 3, peu de films m’avaient marqué. 

Cette année, l’ambiance dans l’amphi était folle, l’orga très carrée, l’animation de la soirée et les vannes très divertissantes et réussies, que demander de plus ? 

Bravo à tous les étudiants, bravo à toute la team Aurores qui a tout raflé et c’est mérité ! Bravo à mon pote Émile qui est reparti avec le prix Tsunami, c’est un mec super et qui mérite plus que tout !!

Même si on est reparti bredouille, je tiens à remercier Valentin et Cyril pour leur confiance immense durant toute la durée du projet, ça me tenait à cœur de les accompagner pour que le film corresponde à leurs attentes. Je sais à quel point ce projet leur est cher et je suis très honoré d’avoir pu les aider à ma manière. Vous pouvez être fiers de votre film les mecs !

Merci Océane pour ces questions très pertinentes et merci de nous avoir laissé l’opportunité de nous exprimer !

Pour finir, merci à toute l’équipe d’Objectif Censier d’avoir pu magnifier et rendre possible ce festival qui restera gravé en nous comme un de nos plus beaux moments universitaires. 

Valentin et Cyril : Honnêtement, au moment où notre film allait être diffusé je ressentais un mélange d’angoisse et d’excitation c’est assez difficile à décrire. C’est la première fois qu’on a l’occasion de voir autant de réactions simultanées à quelque chose qu’on a créé. Et elles étaient majoritairement positives ce qui m’a personnellement procuré un frisson de satisfaction rarement égalé.

Entretien écrit, conçu et mené par Océane Boyadjian, Romain Dubourg-Ramy et Isaline Riet–Lesieur.