Rencontre avec Robin Dimet à propos de l’atelier L’Entretien Filmé

« Il faut savoir anticiper et improviser d’instinct, et l’instinct ça se travaille comme dans les sports. C’est par la répétition que des réflexes viennent. »

Capture d’écran 2023-03-09 à 10.35.09
Robin Dimet, réalisateur et enseignant de l'atelier "L'entretien filmé"

Cet entretien a été mené le vendredi 25 novembre 2022.

Comment s’est déroulé le TD pour l’édition 2021/2022 ?

Le TD s’est assez bien passé. Comme on était dans une année difficile je trouvais qu’on avait une sorte de lien avec les étudiants assez fort. L’environnement n’était pas super, donc vraiment je trouve que l’on s’est bien débrouillé, les étudiants étaient très motivés pour faire des choses. Souvent la contrainte pousse la motivation. C’était une bonne expérience. Autant donner les cours c’est un dispositif qui est vraiment intéressant, après je trouve que c’est un peu court une heure et demie. Je viens de Paris 8 et c’est 2h45 de pratique. Je pense que c’est plus productif car on a le temps vraiment de montrer des films en entier ou au moins une grosse partie. Là je ne montre que des extraits et on en discute. Et puis même pour faire connaissance, une heure et demie chaque semaine, c’est un peu court. Mais le dispositif est bien parce qu’il y a le film à la clef et ça c’est vraiment chouette. 

Le festival s’est très bien passé, j’ai trouvé que c’était sympa, une bonne ambiance…

Qu’attendez-vous des étudiants pour cette nouvelle année ?

J’attends une certaine connaissance de cette branche du documentaire. Je ne dis pas que l’entretien filmé, c’est une branche, mais c’est quelque chose qui est assez récurrent dans le documentaire, on est tout le temps amené à enregistrer, dialoguer avec des gens et la caméra, donc j’attends une certaine connaissance des manières de faire parce qu’il n’y en a pas qu’une. On pense à l’entretien à la télé mais ce n’est pas la même chose, ça n’a rien à voir. Je leur montre comment on improvise. Mais dans l’improvisation, il faut avoir des bases, et ces bases fortes permettent après d’improviser sur le moment venu parce que quand on filme du documentaire la réalité nous échappe toujours. Il n’y a rien qui est prévu, à chaque fois il se passe des choses qu’on ne prévoit pas. Il faut savoir anticiper et improviser d’instinct, et l’instinct ça se travaille comme dans les sports, c’est par la répétition que des réflexes viennent. Je leur fais découvrir des films qui sont assez rares, qu’on a du mal à trouver, et avec des discussions à chaque fois. Je montre un extrait, on discute un peu de l’extrait pour voir un peu ce qu’ils ont vu dedans, etc. Puis je fais des exercices, là je leur ai demandé un exercice pratique à faire, un entretien/quatre questions, du tourné/monté, pour voir un peu, qu’ils se mettent en condition avant de tourner leur vrai film.

Comment s’organise votre atelier par rapport aux autres? 

Nous c’est un peu plus long parce que ce n’est pas de la fiction. Il faut déjà trouver le sujet qu’on a envie de faire, trouver le personnage qu’on va filmer. Après il faut que la personne accepte, c’est un peu plus compliqué, ça met un peu plus de temps à se mettre en place, par contre après ça peut aller très vite. C’est un peu l’inverse de la fiction : le scénario va assez vite, puis après c’est un peu plus compliqué parce qu’il faut trouver les comédiens et préparer le tournage. Il n’y a pas de mise en scène, pas de comédiens… C’est plus simple à faire, mais c’est juste trouver le bon sujet adéquat pour cinq minutes qui n’est pas évident. L’équipe elle est réduite pour un documentaire de toute façon, il y a un ingé son, un chef op et quelques personnes qui encadrent. 

Il y a donc une grande quantité de courts métrages qui sont présentés dans votre atelier pour le festival?

 Non, l’année dernière, j’ai été un peu trop laxiste, il y a des thèmes qui étaient un peu compliqués, je me doutais que ça allait être un peu dur pour eux, je leur ai fait confiance et finalement ça ne s’est pas fait. Et puis il y a un autre groupe qui est parti en Erasmus qui n’ont pas pu faire le tournage à temps, finalement il n’y a eu que trois films je crois sur cinq.

Que pensez-vous du thème de cette année : En-Vie ? 

C’est toujours intéressant d’avoir une petite contrainte ça permet un peu plus d’orienter, de choisir de composer l’entretien filmé. C’est toujours comme ça dans un scénario quand on écrit, c’est très dur de partir du néant. Quand on donne des contraintes, on se dit “ça on ne peut pas faire”, ça déblaie le chemin finalement. Même l’année dernière, le thème Bouche Cousue c’était pas mal, on avait pas mal de libertés et en même temps c’était assez précis.

Comment composez-vous les équipes de films?

C’est eux qui décident. Je fais des équipes en fonction aussi du matériel, sinon on est vite bloqués. Après c’est un peu au feeling, ils décident de qui va avoir quelle casquette dans le film. Parfois ils étaient tous au tournage, parfois ils n’y étaient pas tous, ils déléguaient entre eux. Ceux qui ne font pas le tournage ils font le montage, la post-prod, on s’arrange quoi. Le but c’est qu’ils soient tous là au tournage pour apprendre un peu quoi. J’essaie d’avoir un chef op, un ingé son, le réalisateur, un monteur et puis une personne qui organise, après je leur laisse vraiment la liberté, surtout qu’ils ne se connaissent pas tous au début. Cette année j’ai l’impression que c’est un peu plus compliqué, parce que ce sont des groupes où quelques-uns se connaissent et ont rajouté d’autres gens. 

Comment gérez-vous la notation dans votre atelier?

Je note la présence, l’investissement, la participation en cours mais pas forcément, parce qu’il y en a qui sont plus timides, ça dépend des gens. Mais qu’on sente qu’ils sont investis dans le projet, même si le résultat du film n’a rien à voir avec la note. Sentir qu’on fait tout pour qu’il y ait quelque chose. Après si ça marche pas ça marche pas, c’est le cinéma ça a toujours été comme ça. C’est des erreurs qu’on apprend, les premiers films que j’ai fait c’était pourri, après c’est parce que c’est normal c’est qu’on commence à comprendre un peu comment ça fonctionne et petit à petit on évolue, on progresse. Il vaut mieux que ce soit un premier film comme ça à la fac etc, qu’un film après qu’on envoie en festival où ça nous grille tout de suite. Souvent, on a un peu l’idée que les grands réalisateurs qui ont fait un premier film 

c’était un chef d’œuvre, mais ce n’est pas vrai. En général ils ont fait plein d’essais, plein de trucs. Même Kubrick, il a caché son premier film tellement il le trouvait pourri, il n’a pas voulu qu’on le voit. 

D’un autre côté, on peut faire un super film et puis après ne pas aimer ça et passer à autre chose. Dans le cadre de la fac, ce qui est important c’est de prendre conscience un peu de la difficulté et des possibilités et du travail d’équipe etc, parce que le film ça reste un travail d’équipe quand même on n’est pas tout seul.

 

Moi j’ai fais du documentaire, la première fois que j’ai fait une fiction je me suis retrouvé avec une grosse équipe alors que je faisais que du documentaire. Et c’est vrai que je me suis aperçu que gérer du personnel, du monde, c’était ultra compliqué, en fait ça m’embêtait pour mon travail artistique. C’est pour ça qu’il faut s’entourer des bonnes personnes. 

Pourquoi avoir choisi l’entretien filmé? 

Parce que je trouve que c’est quelque chose de pas évident à faire. On a un peu des idées préconçues sur ce que c’est que l’interview. C’est un exercice à la fois super intéressant à faire et très difficile, et en même temps quand on y arrive c’est vraiment quelque chose d’assez fort. Il y a des scènes de documentaire qui sont hyper fortes à faire. Et puis dans le format qu’on a, cinq minutes, c’était quand même une manière de rencontrer aussi entre guillemets “un personnage”. Comment on le rencontre, comment on le filme, alors qu’une fiction tout de suite ça implique tout une construction narrative. On peut tout de même dire que les bons documentaires sont un peu fictionné. On met en situation des personnages parce que sinon les filmer comme ça dans une bibliothèque pendant deux heures il ne se passe rien. On met en situation des personnages pour qu’il y ait quelque chose qui naisse. Mais après on ne sait pas ce qui va naître. 

Pouvez-vous nous citer des films que vous conseillez à vos étudiants?

Je donnerai Nous les enfants du 20e siècle de Kanevski, un Russe qui a fait des entretiens sur des enfants dans la rue qui sont un peu des petites frappes, et puis après il va filmer des grands bandits. Et qu’est-ce que je montre d’habitude ? Ah j’aime bien aussi Le Joli Mai, de Chris Marker et Le Chagrin et la Pitié de Ophüls, mais il y en a plein d’autres.

Comment appréhendez-vous la compétition?

 Personnellement, ce ne sont pas mes films, je les laisse libre de faire un peu ce qu’ils veulent, je cadre un peu et s’ils font un bon film tant mieux. L’objectif c’est quand même de s’approprier un peu toute la grammaire d’un film, et que s’il y a un raté, on se dit que le prochain sera réussi. Ce que j’aimerais bien c’est qu’ils fassent tous un film par exemple, pas comme l’année dernière. Après gagner, c’est aléatoire. C’est vrai que l’année dernière c’était peut-être de la chance, parce que c’est une de mes étudiants qui a eu le plus de prix, le film sur les femmes de ménage. C’était une bonne équipe en fait, ils étaient très soudés entre eux et ça s’est vu dès le début. C’était l’équipe la plus soudée, ils ont vraiment fait quelque chose, ils se sont adaptés justement aux difficultés qu’ils ont eux et ils sont allés jusqu’au bout. Ce qui est assez fort c’est qu’on est toujours surpris, ce n’était pas le thème le plus fort que l’on m’ai proposé cette année-là. Il y avait des films où je me disais que ça allait être bien et au final ça n’a pas donné grand chose. 

Pour découvrir les films réalisés dans le cadre de cet atelier, rendez-vous les 12 et 13 avril pour la 15ème édition du Festival Objectif Censier !

Un entretien mené et retranscrit par Pierre Rogier et retranscrit par Océane Boyadjian et Manon Hardy.