Focus : Le Queerbaiting au cinéma

La pratique du Queerbaiting au cinéma 

A l’instar du Pink Washing en entreprises, il est fréquent de trouver ce qui est communément appelé du « Queerbaiting » dans les films, séries ou romans fictifs. Littéralement « appât à Queer* », ce procédé a pour but d’attirer une certaine audience à travers des sous-entendus et ambiguïtés souvent reposés sur une possible relation homosexuelle entre deux personnages.

Ces sous-entendus ne sont jamais rendus officiels par un passage à l’acte des personnages en question et c’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de spectateurs avec une vision hétérocentrée ne se rendent pas compte de cette technique de marketing qui n’a pas pour but d’être progressiste ou de représenter une minorité mais bien de l’attirer à l’aide d’une fausse promesse sans pour autant choquer et donc perdre l’audience plus réactionnaire.

La série Sherlock de 2010 en est le parfait exemple, en effet, une des blagues récurrente de la série réside sur la possible relation amoureuse se trouvant entre Watson et Sherlock, blague qui apparaît d’ailleurs dès leur première rencontre et qui persiste tout au long de la série avec de nombreux personnages secondaires qui les considèrent ensemble. L’évolution de leur relation et leurs déclarations d’affection presque romantiques en font également partie.

Une autre façon de faire du Queerbaiting se trouve non pas dans l’œuvre elle-même mais dans sa publicité, le studio Disney en est par exemple très friand.

Ainsi de possibles relations homosexuelles ont déjà été annoncées comme argument de vente avant la sortie des films. Nous pouvons prendre pour exemple le live-action La Belle et la Bête sorti en 2017 dans lequel le personnage Lefou était censé être le premier personnage non hétérosexuel de Disney. Alors qu’il avait pris une place très importante dans l’univers avant la sortie en salle (notamment se trouvant sur des posters, dans les bandes annonces etc.), le personnage est en réalité à peine à l’écran. De plus, le fait que la première représentation homosexuelle d’un personnage dans un film Disney soit tenue par un personnage secondaire, méchant et faire-valoir fut très critiquée. 

Cette technique sera également utilisée par Jennifer Lee, la réalisatrice de La Reine des Neiges 2 qui lors de plusieurs interviews restera très évasive sur une possible relation lesbienne qu’aurait Elsa. Ce mystère avait pour but d’inciter les gens à aller voir le film bien que de nombreux fans furent déçus par l’absence totale de cette dite relation. 

Enfin, Joanne Rowling, connue pour continuer à épaissir l’univers de ses célèbres romans Harry Potter même une fois leur parution, a également indiqué que le personnage de Dumbledore était homosexuel. Sa sexualité n’étant absolument pas mentionnée dans les livres et les films, plusieurs fans ont pensé que cette déclaration n’avait que pour but de remplir un certain quota et d’améliorer son image. En effet, l’autrice a perdu un grand nombre de supports au fil des années à cause de ses propos transphobes et est connue pour tenter de se donner une meilleure image notamment au sein de son public plus jeune.

Le terme étant assez large, il est toutefois important de noter l’importance de la subjectivité de celui-ci dans certains cas. En effet, pour certains, utiliser le terme de façon outrancière remettrait en question l’existence même des relations platoniques et amicales (notamment masculines) dans les fictions.

Faire résider des relations homosexuelles dans les sous-entendus serait la descendance des contournements du Code Hays. Il paraît donc assez logique de se dire que cette période est belle et bien résolue et qu’il est désormais plus que temps d’avoir de vraies représentations, avec des personnages ayant une sexualité et orientation non reniées, sans coming out dramatique, sans fins tragiques, et étant montrés au même seuil d’importance qu’une relation hétérosexuelle.

* Le terme « Queer » initialement péjoratif est un terme parapluie qui englobe toutes les personnes n’étant pas cisgenres et hétérosexuelles, il englobe donc toute la communauté LGBTQ+.

Un article écrit par Jeanne Zelikson.