Rencontre avec Brice, Sophie, Louise et Erwin de l’équipe Friendcheap

Le retour des étudiants-réalisateurs :

L'équipe du film Friendcheap

Il y a cette bulle si agréable dans laquelle on flotte lorsqu’on passe du temps avec un.e véritable ami.e… et puis il y a cette autre bulle qui semble accueillante, mais qui finit par éclater et révéler une amitié plus hypocrite qu’elle ne le paraissait, une relation fausse et bon marché. Dans Friendcheap, deux amies sont interviewées dans un décor violet, girly et kitsch aux allures artificielles. Plus les filles décrivent leur amitié, plus elles révèlent ce qu’elles pensent réellement l’une de l’autre, et la vérité fait mal à entendre. Ce court métrage, lauréat du prix de l’UFR et du prix de l’affiche, c’est aussi l’histoire d’une rencontre entre plusieurs élèves de la Sorbonne au sein du TD « Le portrait », qui se sont retrouvés pour aborder le thème des relations tout en mettant un point d’honneur à garder un cadre de travail serein pour tous. 

 

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? 

Brice : Je m’appelle Brice Dias Mendes et j’ai validé une licence de cinéma, mineure art et média. 

Sophie : Je m’appelle Sophie Kuhlmann. L’année dernière, j’étais en licence 3 de cinéma, mineure renforcement cinéma. J’ai intégré cette année la licence professionnelle « Conception de costume de scène et d’écran » de la Sorbonne Nouvelle. 

Louise : Je m’appelle Louise Cousinié et j’ai validé une licence de cinéma, mineure théâtre. J’ai été prise à l’atelier égalité des chances de la Fémis cette année.

Erwin : Je m’appelle Erwin Marina et j’ai validé une licence de cinéma, mineure théâtre.

 

Vous avez tous les quatre rejoint le TD « portrait » de la préparation du festival, qu’est-ce qui a influencé votre choix ?

Erwin : J’ai rejoint le TD avec Floriane, qui est aussi membre de l’équipe Friendcheap. Nous nous étions dit que c’était le plus ouvert, hormis le TD « fiction de variété » que nous n’avions pas pu intégrer. 

Louise : Je fais de la photographie et je suis passionnée par les portraits, c’est ce qui me touche le plus dans les films, donc ce TD était le plus évident. 

Sophie : C’était aussi celui qui m’intéressait le plus. 

Brice : Le portrait m’a inspiré, j’avais déjà beaucoup d’idées visuelles rien qu’avec ce titre. C’est aussi un thème qui, personnellement, me touche. 

 

L’aventure Objectif Censier était-elle votre première expérience de tournage ?

Erwin : Je n’ai malheureusement pas pu assister au tournage ! Cela aurait été ma première expérience. 

Sophie : C’était ma toute première expérience !

Louise et Brice : Nous en avions déjà fait avant. 

 

Comment est née l’idée de Friendcheap et comment avez-vous concrétisé cela tous ensemble ? 

Louise : L’idée originale vient de moi. Pendant le TD, on a pitché nos projets, puis voté, et il y a aussi eu des propositions pour assembler des projets. 

Brice : J’avais proposé qu’on collabore.

Louise : Ensuite on s’est tous retrouvés, et on a réécrit le scénario avec Brice et Erwin.

 

Pourquoi avoir choisi d’exploiter le thème « Bulles » sous le prisme de l’amitié, et plus spécifiquement dans un format d’entretien filmé ? 

Louise : J’ai vécu des traumatismes liés à l’amitié pendant l’adolescence. J’avais besoin d’aborder la profondeur des relations et ce qui nous lie. 

Brice : Mon projet initial ressemblait à celui de Louise, j’avais l’idée d’une bulle d’intimité entre un frère et une sœur, qui aurait mélangé d’autres sphères de réflexions mais serait revenue à leur relation en fonction de leur positionnement sur certains sujets. 

Louise : Choisir le format d’un entretien filmé de deux personnages m’est venu instinctivement. On allait travailler avec des personnes qu’on ne connaissait pas, chacune ayant vécu des expériences différentes. Donc opter pour un seul lieu et deux personnages rendait plus simple le fait de faire quelque chose de sophistiqué ensemble. Et une interview laisse beaucoup de place pour faire ressortir les liens.

 

 

Dans quelle mesure avez-vous été encadrés et aidés par le TD ? 

Brice : Notre TD était très autonome, l’avantage étant que la professeure ne nous avait pas mis de contrainte et nous laissait beaucoup le champ libre. 

Sophie : Mais elle communiquait avec nous et nous a notamment aidé pour le casting et la recherche du lieu. 

 

Comment s’est organisé le tournage et la post-production ?

Louise : Nous avons tout tourné en une journée. Nous avions prévu deux jours mais il a fallu réduire suite à une annulation de dernière minute : l’une des actrices n’était plus disponible le deuxième jour. 

Sophie : Nous avons tourné le 13 janvier. 

Erwin : Ensuite nous avons eu un mois de montage, avec des séances deux ou trois fois par semaine minimum dans la salle de montage de la fac. Nous avons aussi fait un shooting photo pendant le tournage, pour l’affiche, etc. De mon côté, même à distance, j’ai pu voir le tournage en vidéo. C’était rassurant de voir que tout se passait bien !

 

Quels sont vos moments préférés et les aspects dans lesquels vous vous êtes sentis les plus à l’aise ? 

Erwin : Mes meilleurs moments sont les séances de montage, on rigolait bien ! C’était satisfaisant de faire du montage après les cours, et très réel. Le projet prenait forme. 

Louise : C’est dur de choisir un moment préféré, chaque étape est intéressante et importante à tous les niveaux. Le montage m’intéressait moins, c’était plutôt Brice, Erwin et Floriane qui s’en occupaient, mais c’était bien drôle. 

Sophie : De mon côté, je n’ai pas beaucoup été présente au montage, mais j’aimais quand même voir comment tout s’assemblait. J’ai beaucoup aimé le tournage, c’était ma toute première expérience ! J’ai rencontré beaucoup de gens sympathiques, c’était très cool. J’ai aussi beaucoup aimé la préparation des costumes et des décors avec Brice et Erwin, pendant laquelle nous avons épluché les fripes. 

Brice : Effectivement, ça s’est très bien passé dans l’ensemble, surtout avec les membres d’Objectif Censier. J’ai beaucoup aimé le moment du tournage. La pression au réveil, l’expresso du matin, pour ensuite aller dans un studio que personne ne connaissait. C’était un pari risqué pour le temps que nous avions, mais j’ai apprécié m’arranger pour que tout soit fait selon le planning mis en place la veille avec Louise. La préparation du tournage avec elle fait partie de mes moments préférés.

Louise : Oui, Brice m’a soutenu psychologiquement… (rires) 

 

Est-ce que vous avez rencontré certains obstacles durant la production, des moments de doute ou de stress ? 

Louise : C’était un stress parce que comme je l’ai expliqué lors de la remise des prix, je menais en même temps une bataille pour ma santé mentale. Mais ce sont des questions que nous avons beaucoup abordé ensemble, le court métrage était au centre des relations, tout le monde a fait de son mieux et a été impliqué, donc je ne pouvais pas attendre mieux !

Nous avons rencontré un petit souci avec l’une des actrices du fait de la mauvaise communication avec ses parents. Nous avions décidé de prendre des actrices mineures parce que cela nous semblait intéressant pour le scénario. C’est à cet âge que les conflits sont exprimés le plus naïvement. Apolline est une actrice autiste : c’est son rêve de jouer la comédie, elle a tout un univers à elle et énormément de réflexion sur le monde qui nous entoure ! Donc cela me tenait à cœur que les conditions de tournage soient bonnes pour tout le monde. Sauf que deux jours avant le début du tournage, les parents de la seconde actrice mineure ont refusé qu’elle joue dans le film. J’ai contacté tous les comédiens que j’avais rencontrés, posté des annonces dans des groupes Facebook… Sophie a dû annuler la réservation dans le studio que nous avions loué. C’était l’apogée du stress ! Finalement, l’association de mon père a pu nous prêter le leur. On ne pouvait plus tourner qu’une journée mais avec une grande plage horaire, et finalement une comédienne majeure des cours Florent nous a répondu. Nous avions fait le pari que la différence d’âge ne se ferait pas trop sentir.

Brice : Oui, il y a eu des soucis autour de la préparation. Louise est plutôt du style « on va de l’avant » et moi plutôt « doucement, pas de freestyle », j’étais le contrepoint. Par exemple, je n’étais pas pour le choix d’actrices mineures au début, afin d’éviter des démarches administratives supplémentaires. Surtout vis-à-vis d’Apolline, je voulais que tout se passe vraiment bien pour elle. Au niveau de la production, nous avons aussi évité une forme de concurrence déloyale concernant les dépenses. Que, par envie de faire un gros projet, on en fasse beaucoup, c’était non. Nous ne voulions pas délivrer quelque chose de trop loin par rapport aux autres.

Erwin : Je trouve qu’on s’est bien débrouillés, l’argent a bien été partagé. 

Brice : Nous avons surtout dépensé pour la nourriture, les vêtements (trouvés en fripes) et la décoration. 

Louise : Erwin et Sophie ont recousu des vêtements. Victor, notre chef opérateur, est étudiant à Louis Lumière et il a pu emprunter du matériel. Cela nous a aidé pour la qualité des caméras. Mon père nous a aussi prêté du matériel. Nous avons été avantagés, c’est une réelle chance. 

 

Comment s’est déroulée la post-production ? 

Erwin : La fin du montage a été très juste car nous avons eu des petits imprévus, par exemple les salles de la fac étaient occupées certains jours. Aussi, j’ai dû m’absenter du travail une journée pour de la réécriture.

Louise : C’est surtout le générique qui n’était pas assez abouti. Nous souhaitons le refaire. 

Brice : Pendant la post-production, nous avons été assez raccords avec Floriane. Il a fallu un peu de temps d’adaptation pour nous organiser vis-à-vis des priorités, et on a fini par départager l’image pour elle et le son pour moi. Sur les derniers détails nous nous accordions avec toute l’équipe du TD. 

 

Qu’avez-vous pensé du festival et comment l’avez-vous vécu ? 

Erwin : J’étais très impressionné ! On avait le sentiment d’être vraiment cinéaste. Je disais à mon amie : « c’est une prémices de Cannes quand on sera célèbres » (rires). Nous avions des sièges avec le nom de l’équipe, les sketchs faisaient vraiment cérémonie des oscars… En plus, notre équipe a gagné deux prix et des lots. 

Louise : J’ai vraiment adoré le premier jour et le thème, même si je me sentais un peu seule à être déguisée en pop art… (rires). Mais j’aime beaucoup les thèmes, ça m’éclate. L’investissement mis dans l’organisation et le festival en lui-même m’a beaucoup touché, ça fait plaisir et c’est très gratifiant que notre travail soit accueilli dans ces conditions. Même si certains happenings étaient peut-être un peu longs… (rires). Mon moment préféré est le quizz. C’était aussi super de recevoir des prix et de pouvoir parler devant tout le monde. 

Erwin : C’était une sensation géniale d’entendre les gens rigoler pendant notre film et de le voir, tout simplement. 

Sophie : Je suis d’accord avec Louise et Erwin, c’était chouette d’avoir deux jours avec différents thèmes. Le festival faisait vraiment professionnel, cela nous a permis de célébrer notre réussite. 

Brice : J’ai beaucoup apprécié. J’étais dans l’organisation l’année précédente, donc je sais que cela peut être stressant. C’était fou d’avoir pu faire le festival dans le nouvel amphithéâtre, une vraie chance. Je suis très satisfait du résultat. 

Louise : J’aimerais aussi ajouter que c’était très cool de voir les films de nos amis et de tout le monde, de voir ce qu’ils avaient créé en parallèle. 

 

Comment avez-vous vécu la projection de votre film sur un grand écran, devant un public ?

Erwin : Quand j’ai vu le film passer, j’étais émerveillé. Dans une salle aussi belle, pleine et dans le noir complet ! C’était aussi très drôle car il y a eu des changements au montage dont je n’étais pas au courant. Donc je voyais des choses nouvelles et je me disais « Ah, tiens ! C’est nouveau ça » (rires).

Louise : J’ai eu un petit black-out… (rires) J’étais surtout contente d’entendre les gens rire et de me dire que le film avait un impact en dehors de nous. Et mon père était dans la salle ! 

Sophie : J’ai été beaucoup émue et très fière de voir notre projet partagé sur un grand écran. Ça m’a aussi fait plaisir de faire découvrir le film à ma sœur et de voir les réactions du public. 

Brice : Pour rebondir sur ce qu’a dit Erwin, nous avons effectivement fait des ajouts de derniers moments, par exemple pour la musique. J’ai vraiment apprécié la projection. J’étais attentif aux moments où les gens allaient rire, être sérieux, etc. J’avais peur qu’ils rigolent au mauvais moment… Tous mes amis étaient là et ça m’a fait plaisir. 

 

Qu’avez-vous ressenti au moment de recevoir le prix de l’UFR ? 

Erwin : J’ai attrapé Floriane et j’ai crié ! Ensuite nous nous sommes rejoints sur la scène. On s’est demandé qui prendrait le prix et on a remercié les gens ayant participé au film et qui n’étaient pas là, et Louise et Brice, les porteurs du projet. C’était stressant ! 

Louise : C’était super, mais j’aurais aimé parler un peu plus de la question de la santé mentale dans mon discours… des messages à renvoyer et de où on en est aujourd’hui, et dans les représentations au cinéma.

Sophie : J’ai beaucoup aimé le fait qu’on partage ce moment tous ensemble ! 

Brice : j’étais le plus heureux, je VOULAIS le prix de l’UFR ! (rires) C’était aussi sympathique d’avoir pu parler devant tout le monde, même si j’étais stressé. J’ai voulu insister sur le fait de remercier tous ceux qui m’ont supporté… parce que quand on est assistant réalisateur c’est un peu compliqué.

 

Vous avez aussi remporté le prix de l’affiche, félicitations ! Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de création de celle-ci ? 

Louise : C’est ma mère qui a fait l’affiche car elle était graphiste avant, et le père d’un étudiant nous a fait le logo. 

Erwin : J’avais pensé à faire l’affiche en premier. Je m’étais dit qu’il faudrait faire des photos pour celle-ci pendant le tournage, et trouver des idées. Louise avait des inspirations. Sur le tournage, Floème (une autre membre de l’équipe) et Louise ont pris les photos, qui se sont faites au feeling. La mère de Louise nous a ensuite fait deux propositions. Il y a eu beaucoup de versions avant l’affiche finale. 

Louise : J’avais fait un tableau Pinterest qui rassemblait mes inspirations, et ma mère s’en est servi pour la conception. 

 

Est-ce que vous comptez envoyer Friendcheap à des festivals et le projeter ailleurs ? 

Louise : Oui, on aimerait bien ! Mais nous devons nous organiser et nous décider sur ce qu’on voudrait faire exactement, c’est encore assez flou. 

Erwin : Nous l’avons aussi projeté à la ciné-fac, mais il y a encore quelques retouches à faire avant de l’envoyer autre part. 

 

Quels sont vos projets professionnels ? 

Erwin : Je suis à la fois intéressé par la construction de décors, les costumes et l’écriture. Depuis Friendcheap j’ai participé à plusieurs projets de décors, et j’en ai d’autres. Je suis très manuel. 

Sophie : Je suis moi aussi intéressée par les costumes, le décor et le manuel. C’est pour cela que j’ai choisi de suivre la licence professionnelle de costumes de la Sorbonne Nouvelle cette année. J’essaye de m’intégrer dans plein de projets ! 

Louise : J’aimerais bien continuer la réalisation et la photographie. Avec des amies, nous nous sommes réunies pour créer une association de photographie entre filles. Je veux aussi continuer la création de décors à côté ! 

Brice : J’ai un bac professionnel en administration. Je souhaiterais travailler pour le CNC, TF1 ou Canal+, ou bien dans des salles de cinéma ou des radios. J’ai l’intention de continuer potentiellement d’autres études. 

 

Pour finir, avez-vous des conseils à donner pour les futurs participants du festival Objectif Censier ? 

Erwin : Il ne faut pas sous-estimer à quel point cela peut prendre du temps par rapport aux cours, c’est tout un travail de faire un court métrage. Il faut aussi penser à en parler à son équipe si on ne va pas bien. Mais cela reste un plaisir avant tout ! 

Louise : Le cinéma, c’est avant tout une aventure humaine. Vu qu’on rejoint un TD en début d’année et qu’on ne sait pas avec qui on va travailler, il faut toujours considérer les gens de notre équipe. On fait un projet ensemble, celui-ci prend vie grâce aux personnes autour, donc il ne faut pas arriver avec son ego. Il faut aussi se lancer dans un projet réalisable et faire attention à ses ambitions. 

Sophie : Je pense que participer au festival est une expérience très enrichissante, notamment si vous n’avez pas encore eu d’expérience de tournage et de création d’un film. C’est très bien de commencer par là et on y fait de belles rencontres. En ce qui nous concerne, tout a bien marché entre nous, et c’est une chance !

Brice : Il faut faire en sorte de bien communiquer afin de pouvoir s’organiser et prendre en considération ce que les autres disent et pourquoi ils le disent. Cela permet d’éviter des moments de conflits. 

Un entretien mené par Liza Griffiths.

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