Interview de Nicolas Baisez

Interview de M. Nicolas Baisez, directeur de la salle Le Palace à Epernay

J’ai pu interviewer il y a quelques semaines monsieur Baisez, ancien directeur de l’établissement l’Hélios à Colombes, arrivé récemment à la tête du Palace à Epernay, au sud de Reims. Il s’agit d’un complexe de 7 salles entièrement rénové en 2019. A travers ces quelques questions, je vous invite à découvrir le lien entre le public et le cinéma dans des villes de taille moyenne.

Maintenant que vous avez travaillé dans deux régions distinctes, observez-vous des différences au niveau de la fréquentation du cinéma ?

Les deux cinémas sont différents puisqu’ils sont sur des territoires qui n’ont rien à voir. L’Hélios est un cinéma à Colombes, en banlieue parisienne avec une ligne éditoriale vraiment portée sur le cinéma d’auteur alors que le public du Palace est un public peut-être plus occasionnel dans sa pratique du cinéma et nous on adapte la programmation. A Epernay on est aussi classé Art et Essai mais on ne propose pas la même proportion de films qui sont recommandés Art et Essai qu’à Colombes. Il est plus difficile de proposer du cinéma d’auteur à Epernay qu’à Colombes.

En termes de concurrence, j’ai noté un certain nombre d’établissements dans la région, qui pourrait vous faire de l’ombre ? Un multiplexe ? Un établissement à proximité ?

Ce qui est intéressant c’est que le Palace est le seul cinéma sur le territoire d’Epernay et de ses environs. Epernay c’est environ 24 000 habitants, donc si on rassemble les environs, ça fait un bassin de population assez large. Il n’y a pas de concurrence à proximité, si vous voulez aller dans un autre cinéma il faut prendre la voiture pour 40 minutes minimum, soit pour aller à Reims au multiplexe le Gaumont Thillois, soit au cinéma L’OpéReims qui fait du cinéma d’auteur et sinon il faut aller à Châlons en Champagne où il y a un CGR et un mono écran nommé la Comète.

Avec la ville d’Epernay, vous avez un lien en particulier justement ?

La ville d’Epernay attache beaucoup d’importance au Palace même si nous sommes un établissement privé, c’est nous qui déterminons la programmation et qui avons lancé les travaux de rénovation il y a deux ans, donc la ville n’intervient pas dans les décisions propres à la gestion de l’établissement. Ça change de l’Hélios qui lui, appartient à la ville de Colombes et nous on était juste les gestionnaires du cinéma, on devait rendre des comptes sur la programmation et l’animation. Aujourd’hui c’est un enjeu important de garder des villes où l’on peut sortir le soir, le cinéma est donc un endroit très important. Les pouvoirs publics nous soutiennent, notamment dans cette période de crise sanitaire car on a besoin de fonds pour garantir la pérennité du lieu.

Vous avez un programme de fidélité au sein du Palace, depuis quand est-il en place ? Est-ce que ce type d’offre fonctionne bien ?

On a deux cartes de fidélité, 5 places et 10 places, qui sont valables 6 mois pour les 5 places et 1 an pour les cartes 10 places. Le but est de fidéliser les spectateurs. On se rend compte que les spectateurs qui achètent leurs cartes de fidélité sont plutôt les spectateurs qui vont voir des films d’auteurs, et art et essai, c’est eux qui ont la pratique la plus régulière du cinéma. Les films grand public comme les comédies ou les blockbusters vont vraiment intéresser les publics plus occasionnels, ils ont donc moins d’intérêt à acheter des cartes de fidélité. Bien-sûr, il s’agit là de tendances : de nombreux spectateurs vont à la fois voir des films grand public et des films d’auteur.

J’ai également vu que vous proposez des activités avec les jeunes, notamment des ciné-gouters, pouvez-vous m’en dire un peu plus ?

Les ciné-gouters on ne les a pas repris depuis la pandémie, mais ça va revenir. C’est un concept qui s’adresse au très jeune public en leur proposant des courts métrages qui durent 40 minutes ce qui est parfaitement adapté à l’attention des jeunes spectateurs. L’idée est de proposer un goûter qualitatif avec des produits locaux. 

Au niveau du public adolescent, on propose aussi des soirées autour du cinéma de genre, on a fait notamment pour Halloween cette année la projection en avant-première du film « Affamés » et le deuxième film de la soirée était un film de patrimoine. L’avantage avec le cinéma de genre c’est que les jeunes aiment y aller en groupe, on veille donc à proposer un inédit et un film « classique ». C’est très intéressant culturellement ! 

Sinon, on a des partenariats tout au long de l’année avec la ville, les musées, les associations et l’idée c’est toujours de trouver un film qui s’inscrit en lien avec leurs actions, donc on propose des films très variés. Il nous arrive de proposer des soirées avec ces partenaires et on choisit toujours de présenter un film d’auteur et d’en discuter après. Ce sont des partenariats très ancrés dans le Palace, moi j’y suis depuis cet été, mais c’est vraiment une ligne conductrice de l’établissement. En début décembre on a aussi le Festival du Film Méditerranéen. Il est organisé avec le Cercle d’Amitié Franco-Marocain et l’idée est de proposer deux belles soirées en invitant un réalisateur marocain. On peut dire qu’on invente les choses au fur et à mesure des besoins. 

Un autre axe important c’est tout ce qui est privatisation, mais là on est en dehors de l’activité purement cinématographique. On a des structures qui veulent réserver nos salles pour faire leurs assemblées générales ou pour offrir une séance à leurs employés, quoi qu’il arrive ce sont des séances qui n’apparaissent pas dans les séances de la programmation publique.

Envisagez-vous d’autres projets pour le Palace ? Une nouvelle technologie, l’ajout d’une nouvelle salle ou autre ?

La salle a été entièrement rénovée en 2019, aujourd’hui le cinéma est top, on a des salles confortables, très belles et très agréables, les spectateurs nous disent que c’est un très beau lieu ! Au niveau technologique on a deux salles en laser, deux salles avec son immersif en DTS:X, pour un cinéma de notre envergure c’est très bien. Donc le travail pour les prochaines années ce n’est pas forcément de faire des investissements importants, en revanche, il y a un travail important dans la re fidélisation des spectateurs, notamment des jeunes pour qui on va devoir activer pleins de leviers comme la communication sur les réseaux, mais aussi dans les propositions de séances.

Propos recueillis par Océane Boyadjian