Rencontre avec Jade Gaudin, co-réalisatrice d’À votre santé !

Le retour des étudiants-réalisateurs : À votre santé ! de Jade Gaudin et Lucian Hicks

Pour cette série d’articles, quoi de mieux que d’ouvrir le bal avec le court métrage projeté en ouverture du deuxième jour du festival, dont le thème était « chic champagne » ? Un choix qui n’est pas dû au hasard, puisqu’À votre santé ! nous plonge dans un futur proche où l’eau, ressource la plus précieuse au monde, disparaît soudainement pour être remplacée par le… champagne ! 

J’ai eu le plaisir de rencontrer Jade Gaudin, co-réalisatrice du film avec Lucian Hicks et lauréate du prix du meilleur scénario, qui m’a raconté l’aventure que fut ce projet, qu’elle a en grande partie géré.

Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Jade Gaudin, je suis arrivée à la Sorbonne Nouvelle en 3ème année de licence de cinéma, mineure lettres. Avant ça, j’étais en classe préparatoire littéraire à Nancy. J’ai réalisé le court métrage À votre santé !, un faux documentaire, avec Lucian Hicks, un étudiant américain qui a effectué un semestre de cours en France. Nous étions ensemble dans le TD « Documenteur », dirigé par Matthias Steinle. 

Que raconte À votre santé ?

C’est un documenteur qui traite des pénuries d’eau. Dans un futur proche, une pénurie d’eau soudaine touche nos sociétés et produit un phénomène économique unique : le champagne va totalement se substituer à l’eau car il est moins cher. Donc un vrai bouleversement a lieu, qui est celui de l’avènement du champagne, et celui-ci rapporte beaucoup.

Comment est né ce projet ? Est-ce que le scénario était ton idée ou bien le fruit d’un travail collectif ? 

En fait, l’idée m’est venue lors de l’annonce du thème du festival de cette année, dans l’amphithéâtre : bulles ! Sur le diaporama, il y avait une diapositive avec un nuage de mots, et j’ai vu qu’il y avait marqué « champagne » en petit à droite. Ça m’a tout de suite parlé. 

On avait déjà discuté avec le professeur du TD de ce qu’était le documenteur, et c’est compliqué de faire en sorte que le spectateur se prenne à ton jeu. Je voulais faire un court-métrage sur l’économie, et quelque chose de drôle, le dramatique n’est pas trop mon style. Je me suis dis qu’avec le champagne, je pourrais créer une fiction déjantée et m’amuser. Luke m’a aidée pour le scénario, notamment pour caler des sketchs. Malheureusement il est reparti en Amérique le  décembre, à ce moment-là nous avions seulement cinq scènes filmées. C’était compliqué de communiquer à distance. Ma meilleure amie de la fac m’a énormément aidée car je ne pouvais pas tout faire toute seule. C’est elle qui joue le rôle de la journaliste dans le film, c’est ma pièce maîtresse pour tout raccorder ! Elle a été très présente. 

Dans quelle mesure le TD documenteur vous a-t-il aidé pour réaliser votre court métrage ?

Grâce au TD, j’ai appris à connaître un genre que je ne maitrisais pas du tout : le documenteur. Notre professeur nous a montré beaucoup d’exemples, ce qui est important pour comprendre comment faire un film et savoir ce qui marche ou pas. Lors des échanges sur les versions de notre scénario, il nous faisait des remarques qui avaient l’air toutes bêtes mais étaient essentielles : par exemple, si le personnage prend un bain de champagne, comment fait-il pour ne pas être coller ensuite ? C’est important de se poser ce genre de questions de détail pour corriger les incohérences.

Il me semble que ton court métrage a fait sensation, notamment parce qu’il compte une star dans son casting…

Oui, Monsieur François Thomas ! Pendant la séance de pitch des films, on nous a dit : « pour votre expert en champagne, contactez François Thomas » (Rires). Lucian lui a demandé. C’était super de l’avoir, le public a beaucoup réagi quand il est apparu à l’écran. 

Combien de temps le tournage a-t-il duré ? Comment s’est-il déroulé ? 

Nous avons tourné pendant le mois de décembre. Le court métrage se compose de beaucoup de petites scènes, donc on les tournait très rapidement, entre des pauses repas… Les scènes avec François Thomas et celles avec les scientifiques étaient les plus longues à réaliser, mais on a tout bouclé en un mois. 

J’ai tout fait de manière très calibrée. Je ne voulais pas être dans l’urgence pour le tournage. C’était génial d’avoir l’opportunité de faire un projet pratique avec la fac, donc je me suis investie corps et âme. 

Est-ce que tu as des anecdotes à nous partager ? Des moments drôles, des galères de tournage ? 

Il n’y a eu que des galères ! (Rires). J’ai tourné avec mon iPhone et un enregistreur. Il y a eu certaines prises pour lesquelles la prise de son n’avait pas été validée… On avait aussi peu de temps, donc on était très rapide et on faisait moins attention. Il y a des moments où tu tapes sur le micro sans faire exprès et le bruit est enregistré, tu ne peux rien faire au montage…

Mais il y a eu aussi des moments très drôles. Par exemple, j’ai tourné une scène à l’université Panthéon Sorbonne. J’ai amené une valise avec des bouteilles de champagne et des projecteurs. Mais quand je suis arrivée à l’entrée du campus, le vigile voulait à tout prix que j’ouvre ma valise ! J’ai dû lui expliquer le tournage. (Rires).

La post-production a dû être un vrai travail, puisque ton partenaire était à distance. Comment as-tu géré cela et as-tu été assistée dans cette partie ? 

C’était plus compliqué car j’étais assez seule. En janvier et en février, le rythme des cours était plus calme, donc j’ai passé tout mon temps libre dans la salle de montage de la fac. Finalement, j’étais en avance. Le montage a été dur, car ce n’est pas facile d’essayer de visualiser quelque chose dans son ensemble. J’ai montré le résultat à des amis et aux acteurs, le retour était plutôt positif. Je l’ai aussi montré à mes parents mais ils n’ont pas saisi directement ce qui se passait, donc j’ai retravaillé le montage par la suite. 

Comment s’est déroulé le festival ?

J’étais tellement stressée que j’ai occulté pas mal de choses. Mais j’ai adoré le happening du Bureau Canal – je suis une fan de Canal+. C’était une bonne idée d’organiser un festival à la César, ça change de d’habitude. Généralement, en festival, on te donne juste le prix. C’était super de pouvoir nous investir et un plaisir de voir le comité d’organisation et de communication à fond. J’étais seulement attristée des participations peu nombreuses aux ateliers cinéma. 

Ton film a été projeté en ouverture du deuxième jour. Comment est-ce que tu t’es sentie ?

Le fait qu’il ait été projeté en ouverture de la journée « chic champagne » m’a fait trop plaisir ! Mais en même temps c’était horrible, j’étais ultra stressée ! (Rires). Le but du film était de faire rire, mais j’avais l’impression que ça ne prenait pas. Pourtant, mes acteurs m’ont dit : « mais arrête, tout le monde réagit bien ! ». Je pense que j’ai occulté pas mal de réactions. Le film a eu un super accueil. Mais je ne connaissais pas grand monde. 

Et le court-métrage a gagné le prix du meilleur scénario, félicitations ! Qu’est-ce que ça t’a fait quand tu as été appelée pour monter sur scène ? 

J’étais en pleurs ! Je n’avais envisagé à aucun moment de gagner un prix. J’avais fait le festival, c’était déjà ça. Je suis montée sur scène toute seule et j’ai fait un discours dans lequel j’ai remercié Lucian et félicité les autres films. 

Est-ce que ta participation au festival a influencé ton projet professionnel ? 

Je souhaiterais être réalisatrice et scénariste, et faire mes propres films. J’aime beaucoup le genre documentaire et je suis en train de travailler sur des projets là-dessus. Mais la fiction me plait aussi. Grâce à Objectif Censier, j’ai pu réaliser un court sur les deux genres qui m’intéressent pour plus tard et ça m’a beaucoup appris. Je savais que ça me forgerait ! Pour mes demandes de masters, j’ai présenté des projets de scénarios. J’aimerais faire un master professionnalisant, celui de Paris 1 ou bien celui de Paris 7, dans la filière documentaire.

On te souhaite le meilleur pour la suite ! Maintenant que tu as pleinement vécu l’expérience Objectif Censier, as-tu un conseil pour les futurs participants du festival ?

Il faut se lancer à fond ! À la fac, tu n’as pas beaucoup d’opportunités pour le faire de manière encadrée. Le festival permet aussi d’apprendre à connaître des gens. Il faut oser les projets complexes et s’investir. Mon travail a aussi été très important pour me permettre de mieux m’investir dans la théorie : comme tu as moins de temps pour les cours à côté, tu te donnes plus pour réussir. 

Un entretien mené par Liza Griffiths

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