Retours : Programme Un hérisson dans la neige

3 petits hérissons 

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Pour son avant-dernière projection jeune public, le Festival Européen du Court de Brest a projeté une programmation autour des hérissons, issue du travail d’écriture et de production d’Arnaud Demuynck. Pour découvrir ce programme déjà en salle, ainsi que le coup de cœur de la plateforme Benshi, nous nous sommes rendues le dimanche 13 novembre au Mac Orlan à 11H. Voici notre retour sur ce moment cinématographique entourées d’enfants de 2 à 6 ans. 

Les films présentés étaient les suivants: 

  • Čuči Čuči de Mara Linina (2022) – coup de coeur Benshi, en dehors du programme
  • Pourquoi les arbres perdent-ils leurs feuilles en automne? de Pascale Hecquet (2022)
  • Giuseppe d’Isabelle Favez (2022)
  • Pourquoi la neige est blanche? de Pascale Hecquet (2022)

Molly

Le fait de proposer un programme de courts métrages autour du hérisson me semblait être une bonne idée. Cela permettait de mettre en avant ce petit mammifère des campagnes françaises à l’apparence si particulière, d’autant plus face à sa menace de disparition. L’idée d’avoir un animal comme fil conducteur me faisait beaucoup penser à un autre programme de courts métrages sorti l’an dernier intitulé Promenons-nous avec les petits loups qui, comme son titre l’indique, s’intéressait au grand méchant loup et jouait avec ses différentes représentations légendaires. Ici, le hérisson représente plutôt un petit enfant curieux qui découvre le monde à sa manière, au fur et à mesure des saisons. Le personnage n’est évidemment pas anodin car nous étions nous-mêmes entourés de petits hérissons.  

Les courts métrages de ce programme avaient ainsi un fond pédagogique marqué, en profitant de l’imaginaire pour transmettre des savoirs. En soi, enseigner à travers le 7e art dès le plus jeune âge est tout à fait bienvenu. Je trouve que le premier film s’y prenait bien en laissant le père raconter l’origine de la tombée des feuilles en automne à travers une fable, histoire qui sera ensuite contredite de manière humoristique par les notions exactes que la maîtresse avait précédemment expliquées au fils. Le risque de cette démarche est que les informations soient trop explicatives : on sentait, par exemple, que les enfants ne suivaient plus trop les explications sur la synthèse des couleurs durant le dernier film. 

Ma réticence s’explique aussi par le fait que, pour ce qui est du cinéma jeune public, j’apprécie beaucoup plus les narrations contemplatives que descriptives. À titre de comparaison, le coup de cœur Benshi, Čuči Čuči (2022), était une rêverie dénuée d’enjeux, avec un parti pris esthétique assez marqué. S’il fallait les opposer, je souhaiterais beaucoup plus encourager ce type de propositions jeunes publics ouvertes à interprétation, surtout pour les plus petits. Certains diraient que ça ne transmet rien de concret mais le cinéma, l’expérience de regarder un film dans une salle obscure, joue aussi sur l’exploration des émotions, le développement de l’esprit critique et l’observation pure. 

Pour résumer, Un Hérisson dans la neige était une séance sympathique et amusante mais n’ayant pas la prétention d’être novatrice en termes de contenus jeunes publics, que ce soit esthétiquement, au niveau de l’animation, ou bien narrativement. 

Isaline

En programmant une sélection de films scénarisés et/ou produits par la même personne, Arnaud Demuynck (Le Parfum de la Carotte, 2014, Le Vent dans les Roseaux, 2017,…), je n’ai pas été étonnée de la récurrence de la dimension pédagogique dans les films, évoquée par Molly précédemment. De la même façon, le récit suivait de façon assez limpide sa forme habituelle (situation initiale, perturbation, péripéties, résolution, situation finale), ce sur quoi il pourrait y avoir aussi à réagir. En quoi est-ce utile de construire des histoires, et de raconter des récits, sous ce schéma classique, et notamment aux très jeunes publics (ici, principalement des enfants en classes de maternelle)? 

Ces questionnements n’ont cependant pas empêché mon appréciation de cette séance. En comparaison aux autres sorties de programmations autour des animaux que j’avais pu voir cette année hors festival (Un tigre s’invite pour le thé et Superasticot), j’ai été plus emballée par la morale que j’avais trouvée assez discutable pour Un tigre s’invite pour le thé et les qualités visuelles pour Superasticot. La récurrence du personnage de Giuseppe, et donc sa voix, malgré les différences dans de dessins entre les films de Pascale Hecquet et celui d’Isabelle Favez, était assez appréciable. De même que la trame narrative. J’aimerais donc me focaliser davantage sur les réactions des enfants. 

La logique du scénario, et donc la possibilité de se détacher de la fable en comprenant sa suite malgré tout, nous a permis d’apprécier le spectatorat des enfants présents dans cette salle quasiment comble. Outre les rires, les questions posées, la joie sans faille du petit garçon sur ma droite qu’il exprimait par des bons et des petits cris, plusieurs instants de peur ont été marquants. Durant Giuseppe notamment, un enfant que nous avions déjà entendu pleurer lors du deuxième court-métrage, a demandé à plusieurs occasions de partir (nous l’entendions audiblement à plusieurs rangs d’écart). Ne trouvant pas de réponse positive à cette demande, iel s’est mis.e à hurler et à supplier de partir. Au point que les régisseurs et le public se retournent vers cet.te enfant. Finalement, iel est sorti de la salle en pleurs. A la fin du film, la petite fille devant nous et son voisin de quelques rangées à droite, ont verbalisé “je veux descendre” [des genoux de son père, donc partir], “j’ai peur”. Le fait d’être entendu.e.s, pris.e dans les bras, etc. a tout de suite calmé leurs inquiétudes. 

Se pose donc la question de la place du refus de voir une séance et l’impact qu’elle peut avoir sur les enfants lorsqu’elle n’est pas écoutée. Des films marquent notre enfance, parfois en devenant même des traumatismes pour certain.e.s. Accepter de prendre en compte les peurs, surtout si elles persistent malgré les tentatives de les calmer, et notamment en salle avec des conditions de projection très particulières (augmentation de la taille de l’écran et donc de l’ampleur des actions, volume sonore, sièges spécifiques aux salles, espace public et collectif, etc.) c’est aussi permettre à des jeunes spectateur.trice.s de trouver leur place dans cet espace régi par des codes sociaux spécifiques et d’éprouver du plaisir à voir des films au cinéma. 

Maureen

Cette programmation jeune public me paraissait la bienvenue face un ensemble de sélections à l’atmosphère bien plus pesante et beaucoup moins accessibles – pour des adultes aussi. Je pense notamment à la projection Monstrueuses qui se présente d’elle-même comme une sélection interdite aux moins de 16 ans, alors qu’il s’agit d’animation, comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences. Ainsi, cet ensemble de court-métrages regroupés sous Un hérisson dans la neige, permet aux plus jeunes de profiter, eux aussi, de ce festival, bien que ce ne soit pas la seule séance qui leur offre la possibilité de visionner quelques courts-métrages. Cependant, j’ai décidé de ne pas m’attarder sur le public à qui celui-ci était destiné, car déjà bien détaillé dans le reste de l’article. Si on réfléchit bien, c’est un public qui ne vient jamais seul, il serait même plus que surprenant de voir une salle remplie uniquement d’enfants de 2 à 6 ans. Des adultes aussi visionnent cette sélection et je pense qu’il est tout aussi intéressant de se positionner de leur point de vue (du nôtre finalement).

En effet, les adultes sont ceux qui choisissent de venir en salle et d’une certaine manière imposent ce visionnage aux plus jeunes, tout en se l’imposant aussi. Ce n’est pour les parents aucunement un moment de détente pur car ils doivent rester actifs et s’occuper de leurs enfants, gérer leurs émotions et leurs réactions. Ils sont ici pour leurs petits. S’ils peuvent aussi apercevoir une partie de la projection, ils n’en profitent pas pleinement, et il s’agit généralement d’un cinéma qu’ils n’iraient pas voir pour eux seuls. Ainsi, se pose la question d’un cinéma jeune public destiné uniquement aux enfants.

Je ne peux que parler en mon nom mais bien que ce soit une projection que j’ai attendue, j’en suis ressortie déçue. Les trois court-métrages mettant directement en scène un petit hérisson tout mignon, que j’ai par ailleurs trouvé très attachant, m’ont laissée une certaine fadeur en fin de bouche. Si les dessins très simples étaient plaisants pour les yeux, dont le but était sûrement de permettre aux enfants de se concentrer sur le fond, c’est bien ce dernier qui m’a posé problème. Cette approche presque uniquement pédagogique portait un intérêt moindre pour un visionnage adulte, et je pense aussi que, si jeunes, les enfants se trouvent aussi très vite lassés de cette approche. Si elle n’est pas directement développée dans les trois court-métrages, la présence de la morale habituelle ne fait jamais disparaître le côté pédagogique. Or en tant qu’adulte, c’est très vite ennuyant de se voir donner la leçon. Ce qui manquait c’était la diversité des idées, des approches, des dessins… Je ne peux évidemment pas dire que du mal de cette projection qui était rafraîchissante et pendant laquelle j’ai beaucoup souri. Je veux aussi faire une mention spéciale au coup de cœur de la plateforme Benshi qui m’a complètement absorbée et portée du début à la fin. En effet, c’est cette contemplation qui offre à tous les spectateurs – quel que soit leur âge – une ouverture à leur imagination et leur donne la possibilité de se créer leur propre histoire avec des animations douces et moins communes. 

Finalement, cette sélection était clairement destinée à un jeune public sans viser à inclure les spectateurs adultes à l’inverse de certains autres court-métrages ou films, comme l’exemple de Mon voisin Totoro de Hayao Miyasaki. C’est un choix qui se défend et qui porte son identité propre. Cependant, de mon point de vue d’adulte, n’étant pas comprise dans le public choisi, je me suis retrouvée mise de côté, incapable de partager une grande partie des émotions éprouvées par les enfants. 

Pour retrouver la bande-annonce du programme: 

Un article écrit par Maureen Corboz, Molly Proctor et Isaline Riet–Lesieur.