Jérémy, portrait d’un jeune monteur et étalonneur

Jérémy, portrait d'un jeune monteur et étalonneur

« Lors de mon premier projet chez Airborne, on a réalisé des séquences en avion. Pour moi, le vertige ça a été d’avoir ce recul sur le monde. Quand on prend de la hauteur, au sens propre comme au sens figuré, on se rend compte de ce que c’est que de vivre sur la Terre. Finalement, les frontières n’ont aucun sens et que l’on devrait laisser plus de place à la fraternité. »

J’ai fait la connaissance de Jérémy il y a quelques mois. Après de nombreuses discussions passionnées autour de son métier, il m’a paru évident que son expérience constituerait une esquisse parfaite du parcours pour devenir monteur.euse et étalonneur.euse à notre époque. Après un entretien de presque deux heures, voici son portrait.

Jérémy commence son parcours par une licence de philosophie à Tolbiac, qu’il abandonne rapidement, pour intégrer une licence de cinéma à l’Université Paris 8 (Saint-Denis). La fac constitue le point de départ de son parcours vers le métier d’étalonneur/monteur.

Tout d’abord, la fac entretient un aspect qui lui semble essentiel, la curiosité. C’est en voyant beaucoup de films, des productions très différentes les unes des autres, qu’on éduque son œil et que l’on développe des mécanismes de l’ordre de la sensibilité. Pour le montage par exemple, il devient, par conséquent, plus intuitif de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. C’est aussi la manière dont on apprend à creuser un sujet, à faire des recherches, qui vient nourrir sa façon de travailler et le pousse à s’améliorer continuellement.

Après la curiosité, c’est aussi la possibilité de faire des stages qui l’a beaucoup aidé. Il commence par un stage de montage dans une entreprise de production à Montreuil, où il assiste à l’élaboration du documentaire « Vivre En Positif ». Il enchaîne ensuite avec un stage en régie sur une série France 2, où il découvrira ce qu’est un plateau de tournage.

Il aborde également, lors de notre entretien, un stage de montage de « vidéos gags » qui a duré près de six mois. « C’était marrant seulement les deux premières heures ! L’ambiance au sein de l’équipe était froide, j’ai réalisé le même travail qu’un employé normal et j’avais la pression de mon supérieur. Je devais trier des heures de « rushs » pour trouver la petite chute de dix secondes. Finalement, ce genre de vidéo est un peu grisante car soit il ne se passe pas grand-chose ou bien elles sont d’une extrême violence, ce qui est bien évidemment caché au public avec le montage. Puis ensuite le même schéma : montage, habillage, bruitage… Mais j’en retire un point positif, ce que j’ai très vite développé des mécanismes de montage. »

La fac, c’est aussi des rencontres à ne pas négliger. C’est comme ça que Jérémy commence à travailler pour un label indépendant , par le biais d’un ami de l’université. Cette expérience est formatrice car ils réalisent tous leurs contenus eux-mêmes, avec les moyens du bord, du tournage jusqu’au produit final. C’est une formation en autodidacte qui leur a permis aussi de voyager en suivant les rappeurs à de nombreux festivals. Cette expérience dure environ trois ans. Jérémy me confie : « Je me faisais un peu d’argent mais il y a un moment où je me suis dit que je n’allais plus évoluer, j’avais besoin de me spécialiser. »

C’est à ce moment- là qu’il fait la connaissance d’Alec, aussi rencontré par le biais de l’université. Alec travaille pour la société Airborne Films. Suite à la perte de leur monteur sur le projet « Aerospace », Jérémy intègre l’équipe. Au départ, il est seulement chargé de trier les « rushs » puis on lui demande rapidement de monter une séquence. Il fera alors face aux premières difficultés du métier de monteur. À chaque version de montage, il a droit à beaucoup de retours sur son travail, beaucoup de directives qui le poussent à modifier sans cesse sa version. « Je me sentais nul et je ressentais également beaucoup de frustration car ma vision des choses n’était pas forcément en accord avec celle du réalisateur. ». En effet, une des caractéristiques d’un.e monteur.euse, c’est sa capacité à mettre en œuvre sa sensibilité tout en respectant la vision du réalisateur.rice et aussi, à savoir adapter ses mécanismes de montage au sujet représenté. Jérémy m’explique que « au début je montais les séquences de démonstration d’avion comme j’avais l’habitude de monter un clip de rap ! ». À force de persévérance, il se voit attribuer le montage complet du film.

Chez Airborne il lui arrive encore de prendre des images lors des tournages, pour des making-of par exemple, mais il ressent le besoin de se spécialiser dans un domaine. Il avait déjà un peu pratiqué l’étalonnage avant mais seulement par nécessité, pour donner de la cohésion entre les images mais pas réellement pour donner un « look ». C’est aussi l’aspect scientifique, se mêlant à un regard artistique, qui l’attire vers l’étalonnage, chose qu’il ne retrouve pas spécifiquement dans le montage.

En intermittence, il enchaîne les projets de courts métrages ou bien de clips vidéo. Son but aujourd’hui est donc de se spécialiser dans le métier de monteur ou d’étalonneur tout en se diversifiant dans les types de projets sur lesquels il travaille. Ce que l’on retient aussi de tout ça, c’est que pour commencer à travailler dans le domaine du cinéma, c’est important de s’intéresser à tous les postes. Cela permet de savoir quels postes nous plaisent vraiment, de multiplier les contacts dans différents domaines et d’avoir une vision globale de la production d’un film (ce qui important ensuite à chaque échelle de la production). Puis très vite, pour que les gens nous fassent confiance, la nécessité de se spécialiser apparaît comme essentielle. Jérémy ajoute que « Quand je suis arrivé à la fac, tout le monde voulait être réalisateur. C’est assez frustrant ensuite de devoir faire des choix. Mais comme pour moi par exemple, on peut découvrir des métiers et avoir de belles surprises. »

D’après le témoignage de Jérémy, on peut faire émerger quelques conseils pour quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans le cinéma. Il faut être curieux dès le début et ne jamais arrêter de l’être. Il est indispensable de toujours chercher à s‘améliorer. La curiosité passe par des recherches personnelles mais aussi par le développement de sa capacité à aller vers les autres. La fac est une bonne base pour tout cela, si elle est combinée avec de la pratique comme des stages par exemple.

Pour finir, Jérémy aimerait ajouter un dernier conseil, spécifique au métier de monteur.euse/étaloneur.euse : « Voir le monde défiler derrière son écran peut être un peu grisant. Il est très important de continuer à aller sur les tournages ou bien de voyager pour se nourrir d’images et d’atmosphères. Notre travail n’en sera que meilleur ! »

Propos recueillis et rédigés par Lisa Guetrot

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