Interview Muet comme une carpe

Interview Muet comme une carpe, Tom Dodey et Romane Parrado

Tom Dodey et Romane Parrado ont participé à l’atelier “Portrait”, mené par Perrine Boutin, durant le premier semestre de leur licence 3. Ils ont pu travailler ensemble sur le court-métrage écrit et réalisé par Tom, Muet comme une carpe, sujet duquel il traite dans cet entretien écrit.

Peux-tu te présenter un peu à nos lecteurs? Quelle a été ton expérience dans la création audiovisuelle avant ce projet? 

Tom: J’étais le réalisateur du film Muet comme une carpe, qui réunissait 7 étudiants dont c’était, pour la plupart, le premier film. J’avais fait quelques projets audiovisuels auparavant, mais jamais de cette envergure, avec une équipe, un véritable plateau de tournage, du matériel professionnel et des acteurs ! Faire un film pour Objectif Censier est apparu comme une possibilité de mettre en pratique le bagage théorique acquis ces dernières années à l’université. 

 

Romane, peux-tu nous expliquer en quoi consistait ton rôle? 

Romane: J’étais assistante réalisateur sur le projet. Le rôle de l’assistante réal est majeur avant le tournage puisque j’étais en étroits liens avec Tom. Je l’accompagnais dans la concrétisation de ses envies artistiques et dans l’organisation de ses ambitions en fonction des moyens qu’on avait. C’est lui qui a fait le storyboard du film et ensemble nous avons fait le découpage technique, le séquencier et les feuilles de service. L’assistante réal c’est celle qui permet le lien entre l’équipe technique, les actrices et acteurs et le réalisateur. Sur le tournage, j’étais celle qu’on adorait et qu’on détestait, j’imposais le rythme du tournage. Si on n’allait pas assez vite, je cherchais où ça bloquait pour que l’on rectifie cela. 

 

Pourquoi avoir décidé de participer à l’atelier dans lequel vous avez été? Pouvez-vous nous faire une petite description de son fonctionnement et de son intérêt? 

Tom: J’ai choisi l’atelier du portrait car c’était celui qui m’inspirait le plus, l’un de ceux qui permettait la plus grande liberté dans la création. S’intéresser à une personne, s’attarder sur sa vie et ses pensées, c’est ce qui m’a motivé à choisir cet atelier. 

Romane: J’ai trouvé que c’était l’atelier le plus « cinématographique », dans le sens où on touchait vraiment à la représentation au cinéma du portrait de quelqu’un. J’avais envie de me concentrer sur cet aspect-là du cinéma et je n’ai pas été déçue puisque nous avons fait le portrait d’une famille avec ses vérités inavouées. 

 

En quoi a consisté l’échange que vous avez eu avec le.la professeur chargé.e de votre atelier, durant toute la construction de votre court-métrage et à sa sortie? 

Tom: Notre professeur encadrante était Perrine Boutin. Elle a été présente dès le début du projet en nous conseillant et en nous aiguillant. Son accompagnement nous a permis de prendre confiance en nous et de gérer le projet de façon autonome. C’était agréable de se sentir soutenus dans nos démarches créatives et d’avoir quelqu’un à qui s’adresser en cas de doute sur des aspects plus techniques. 

 

Qu’avez-vous pensé du thème Bouche Cousue (inspiration, difficultés, ressource de création, etc.)?

Tom: Le thème était assez amusant à travailler car il peut être, disons, très visuel. Des premières idées les plus évidentes, j’ai essayé d’en faire une interprétation plus personnelle. C’était parfois troublant combien ce thème pouvait s’articuler de façons si différentes autour d’histoires et inspirations diverses. 

 

D’où le sujet du film vous est-il venu? Avez-vous écrit le scénario en groupe ou seul.e? 

Tom: Le sujet du film m’est venu de ma relation avec mon grand-père, décédé il y a 2 ans. Il était plutôt discret et j’ai rarement eu l’occasion de converser avec lui. Ce qui est un grand regret. Faire ce film m’a permis, d’une certaine façon, de lui rendre hommage. 

Romane: Nous avons écrit le scénario à trois avec Tom et Yoan (Hudson). Tom a initié l’idée et je l’ai aidé à construire les personnages et à imaginer les dialogues. Yoan a été celui qui a rendu réaliste et logique tout ce qu’on avait imaginé en amont avec Tom. Quand on avait un blocage tous les deux, Yoan trouvait toujours des solutions pour que le scénario avance. 

 

Décrivez-nous le casting, les repérages, le prêt/l’achat de matériel, etc. En bref, la préparation du tournage.

Romane: Étant donné la nature du projet, nous avons eu très peu de moyens pour financer le court-métrage. On a pu se cotiser un petit peu pour le financer mais nous n’avions pas assez pour tout payer. L’université nous a prêté la caméra et le matériel pour le son et la lumière et nous avons tourné chez un ami de Tom. L’argent que nous avons investi a principalement servi à payer la régie et à défrayer certains déplacements (nourriture, décors…). Finalement, avec beaucoup d’organisation et de débrouille, le court-métrage ne nous a presque rien coûté ! 

Tom: Pendant l’écriture du scénario, nous avons rapidement pris conscience que le casting allait être une étape importante de la construction du projet. C’était une première pour nous tous et Maxime (Ivanov) et Thibault (Vigier) ont déployé un grand nombre d’annonces physiques et numériques afin d’organiser plus de quinze auditions pour nos six personnages. Celles-ci se sont déroulées dans l’enceinte de l’université, dans l’appartement dans lequel nous avons tourné ainsi qu’en visioconférence. 

 

A propos du tournage, désirez-vous nous raconter une ou plusieurs anecdotes? 

Tom: Nous avons tourné sur deux jours consécutifs. A la fin de la première journée je suis resté avec Romane sur le plateau le soir pour regarder nos rushs de la journée et créer une ébauche de montage. Celle-ci n’était pas étalonnée, le son était encore celui de la caméra et le montage était très approximatif. Le visionnage de ce premier jet s’est suivi d’un interminable fou rire nerveux pour tous les deux. Finalement, quand nous avons réussi à reprendre nos esprits, nous avons repéré nos erreurs et ça n’a fait que nous remotiver pour le tournage du lendemain ! 

 

Quelle était la place de la musique au sein de votre projet? Comment s’est déroulée la composition? 

Tom: La musique est l’un des premiers éléments à avoir été créé sur le projet. Je l’ai composée dès les premières semaines et elle a servi de ligne directrice pour la plupart des décisions d’ordre créatif. Elle permettait de transmettre à chacun le ton souhaité du film avant même de l’avoir tourné. 

Pour la composition, je n’ai pas trop d’explications. Je me suis assis devant mon piano, j’ai pensé au scénario, aux images que j’avais en tête et c’est venu assez naturellement. L’aspect personnel du projet m’a probablement aidé à créer la musique la plus juste possible vis-à-vis des émotions que je souhaitais transmettre. C’est drôle car aujourd’hui cette musique ne m’évoque plus le film en soi mais plutôt tout le processus de création qui a entouré le projet, avec une impression déjà presque nostalgique. 

 

Ton plan d’ouverture se distingue des autres de ton court-métrage. Peux-tu nous en parler un peu? 

Tom: C’est le plan qui a été le plus plaisant à faire. Pour celui-ci nous avions besoin de changer tout le décor et les costumes, c’était donc le dernier que nous ayons filmé et l’ambiance était très agréable. À ce moment du tournage tout le monde avait gagné en aisance sur le plateau et il me semble que ça se ressent dans le rendu de la scène. C’est Jara qui maniait la caméra pour ce travelling qui était très compliqué techniquement. Nous avons dû répéter 13 fois la scène afin d’avoir la meilleure prise possible. Celle-ci était finalement devenue presque chorégraphiée. C’est la scène qui a donc demandé le plus de travail, mais c’est également celle qui correspond le plus à l’idée que nous nous faisions du film au départ. 

 

Le sujet que tu abordes semble assez personnel. Quel a été ton rapport au film en prenant en compte cet élément? 

Tom: Effectivement, c’était intense de partager une histoire aussi personnelle avec d’autres personnes, et d’autant plus avec tout un amphithéâtre. Deux enjeux se sont alors dessinés. D’un côté, il fallait détacher le film de l’aspect très personnel qui l’a inspiré afin de réussir à travailler correctement dessus, et d’un autre côté, il y avait une certaine pression de devoir faire un film juste, aussi bien pour mon grand-père que pour ma famille. 

 

Y a-t-il un secret ou un détail à propos du film que tu veux nous dévoiler? 

Tom: Dans le décor, j’ai caché plusieurs clins d’œil à mon grand-père. C’est par exemple lui qui a sculpté le tableau en bois qui trône sur la cheminée. Il y a aussi un tambour miniature sur le sapin dans la scène d’introduction, son instrument de prédilection. C’est une vraie fierté d’avoir eu la possibilité de mettre une partie de son travail et de sa vie dans le film.

Sinon, d’un point de vue plus technique, la plupart des meubles et accessoires présents dans le film viennent de ma maison et c’est assez drôle de les voir à l’écran. (Je remercie d’ailleurs ma mère de m’avoir autorisé à les emprunter et de m’avoir aidé à les transporter !)

 

Quel souvenir gardez-vous du festival ? (en tant que spectateur.trice et comme participant.e dans la présentation d’un film) 

Tom: C’était une incroyable soirée, probablement l’un de mes plus beaux souvenirs de mon passage à La Sorbonne Nouvelle. L’ambiance était phénoménale et tout le monde était tellement heureux d’y participer et de célébrer le travail de chacun ! C’était une belle parenthèse dans le semestre qui, j’en suis certain, n’a fait que renforcer notre envie de créer d’autres films.

Entretien (écrit) conçu et mené par Océane Boyadjian, Romain Dubourg-Ramy et Isaline Riet–Lesieur.