Critique : Carte Blanche MIYU Distribution – MONSTRUEUSES

De quoi devenir MONSTRUEUSES !

Monstrueuses

A l’occasion du Festival Européen du Court de Brest, nous avons pu assister toutes les 5 à une projection Off de la sélection “Découvrir le court-métrage autrement”. Dans ce cadre, était présentée une carte blanche de la société Miyu Distribution, comprenant les films suivants :

  • Seniors 3000 de Julien David (2022) 
  • Anxious Body de Yoriko Mizushiri (2021)
  • Ecorchée de Joachim Hérissé (2022)
  • Steakhouse de Špela Čadež (2021) 
  • La fée des Roberts de Leahn Vivier-Chapas (2021)
  • Godzalina de Lucile Paras (2021)
  • Bestia d’Hugo Covarrubias (2021) 

Miyu, société française, produit et distribue de l’animation (courts, longs, clips et séries) et présentait ici une sélection de 7 de ses films. A l’issue de cette séance qui ne nous a pas laissées de marbre, cela est sûr, nous avons décidé de vous raconter notre expérience de ce moment riche en terreur et en rire. 

Maureen 

Je crois que je pourrais écrire des pages sur cette sélection – ce que, pour des raisons évidentes, je ne ferai pas. Je suis de manière générale très friande d’animations en tout genre, et combiné à ce thème assez audacieux, l’idée, seule, de la sélection m’avait déjà conquise avant même son visionnage. Cependant, je vais me concentrer sur ses films plutôt que sur cette dernière. A choisir, Anxious boby est probablement celui qui m’a le plus touchée, car si mon contact avec celui-ci s’est résumé à des images et des sons, c’est sous ma peau, dans mon corps tout entier, que cette production s’est immiscée. Et elle est restée là, à la surface de ma chair, même une fois fini. Le titre se suffit à lui-même, mais il est impressionnant de voir comment une œuvre audiovisuelle peut à ce point se rapprocher de la réalité des sensations et émotions. Je me dois aussi de tirer mon chapeau à Ecorchée animant, de manière peu commune, de la feutrine, des tissus et des fils. Or, il ne faut pas se laisser avoir par cette douce description car ce court-métrage nous place dès la première image dans un certain inconfort dont on aurait envie de se sortir au plus vite. Je vais faire une petite mention spéciale à Seniors 3000, qui nous plonge dans notre absurdité quotidienne que nous acceptons plutôt bien tant qu’elle ne nous concerne pas, et poussée toujours plus loin dans un mélange d’animations bien caractérielles. Je n’ai pas été complètement convaincue par toutes les productions. Plusieurs m’ont laissée sceptique comme La fée des Roberts, dont le sens global m’a échappé, mais que j’ai beaucoup apprécié pour son style de dessin et ses couleurs trop flash, trop décalées, ou même Ecorchée dont l’aspect global trop gore ne pouvait me plaire totalement. “Monstrueuses”, c’est une sélection que vous allez détester autant qu’aimer. Les courts-métrages proposés sont tous plus crispants les uns que les autres, et c’est peut-être pour ça qu’on les aime – ou pas. On ne ressort ni détendus-es, ni tranquilles mais certainement ravis-es.

Molly 

J’étais déjà familière du travail de la société Miyu, ce qui n’était pas le cas des autres filles. J’apprécie beaucoup leurs productions et le programme Monstrueuses était l’une des séances que j’anticipais le plus au cours de ce festival. Par ailleurs, je raffole de l’animation pour adultes alliant l’humour noir, l’absurde et le glauque, que ce soit à la télévision où j’ai été biberonnée à des séries comme South Park, Les Lascars ou Robot Chicken (rassurez-vous, j’ai grandi sainement à ma connnaissance) ou bien au cinéma plus tard avec la découverte de pépites telles que La Planète Sauvage (1973), Anomalisa (2015) ou encore The Wall (1982), ce dernier étant probablement mon film préféré. Disons donc que plusieurs facteurs étaient réunis pour que je passe un bon moment. Ça n’a pas manqué. 

Le fil conducteur autour de la « monstruosité au féminin » était bien ficelé, entre vilaine petite cane, anti-héroïne, psychopathe et créature non identifiée. C’était une projection très jouissive, qui a réussi à bien équilibrer le rire et la consternation. Je ne les ai pas tous aimés, La Fée des Roberts (2021) étant bien moins fin que les autres. J’ai également  un peu de réserve sur l’ordre des films : je ne suis pas convaincue par la conclusion avec Bestia (2021), à l’esthétique certes intrigante mais vraiment très morbide. Forcément, ce n’est pas un programme à recommander à n’importe qui, mais si vous êtes gagas d’animations particulières et d’histoires ouvertes à interprétation, que vous n’avez pas froid aux yeux et que vous êtes monstrueuses à votre manière, vous allez adorer. 

Océane 

Ne connaissant pas le travail de la société Miyu, cette projection s’est totalement détachée de toutes celles que j’ai pu faire lors du Festival de Brest. A ma grande surprise, j’ai pu découvrir des films d’animation pour adultes, plus dérangeants les uns que les autres. Un méli-mélo d’hilarité et de peur en une seule projection! 

Le film qui a particulièrement retenu mon attention est Seniors 3000, car il a réussi à mêler de très bons choix esthétiques avec une histoire des plus drôles, tout en nous promulguant un message sur notre société et ses travers. Tout comme Molly, j’émets cependant une réserve concernant le film Bestia qui est passé en dernier lors de cette projection, film qui on peut le dire, « plombe » l’ambiance et casse la dynamique du rire inculquée dans certains courts qui le précèdent. 

Pour conclure, je dirai que la sélection « Monstrueuses » vous dérange autant qu’elle vous attire, et qu’il est important de mettre en avant des animations qui ne sont pas destinées aux enfants. 

Isaline

J’étais très curieuse de découvrir cette programmation n’étant habituellement pas ou peu une spectatrice de programmes d’animation. C’est donc avec beaucoup de curiosité que j’ai abordé cette séance qui mêlait des formes (le court, l’animation) moins communes, tout comme l’est la thématique mise en avant, à savoir les (femmes) Monstrueuses. Je me sentais chanceuse d’être une femme et de découvrir comment les artistes allaient représenter terreur, vices en tous genres ou encore diabolisme du trop souvent mal nommé “sexe faible”. 

Je ne fus pas déçue par les références aux clichés abordés (la cuisine, le sein nourricier ou la maternité, la dévotion au travail, les tâches ménagères, etc.). Ceux-ci permettaient de renforcer le caractère cruel derrière les tâches quotidiennes de ces femmes. J’ai été autant crispée que j’ai ri durant cette séance. Bien que pas convaincue par l’ensemble des films, ils ont su faire passer des messages importants quant à la place à prendre pour ne pas dériver vers la monstruosité, et je ne parle pas ici de celle des femmes. Pour cette dernière raison, bravo à Lucile Paras pour Godzalina (2021) qui donne de l’espoir et de la force. 

Julie

Monstrueuses certes, mais surtout curieuses, toutes ces dames et tous ces féminins incarnées ou désincarnées. J’ai été captivée par la sensibilité de cette programmation, qui certes déroute, mais touche la corde d’une histoire sociale commune qu’est celle des femmes. Des injonctions, aux tâches du quotidien qu’elles doivent porter, en passant par des métiers dégradants, ces 7 films poussent les limites du tolérable et parfois du politiquement correct, et ce pour notre plus grand plaisir. Ces ovnies féminines, évidemment plus ou moins convaincantes en fonction du regard de chacune, permettent de créer un dialogue. Cette projection a ainsi appelé à digestion et des échanges très intéressants en sont sortis. Je mentionnerais donc Godzalina  pour son inventivité plastique – un montage animé de collages de coupures de presses, de tableaux célèbres, de références à la pop culture – et pour le sacré fou rire qu’elle m’a provoqué, en totale rupture avec la pesanteur des autres courts. Et mon coup de coeur restera surement Anxious Body, qui s’il n’est pas le plus accessible des 7, explore avec brio une synesthésie troublée, torturée, tortillée, tiraillée, grâce à un travail sonore quasi expérimental qui couplé aux figures visuelles tour à tour rebondies, souples, molles ou fuyantes nous donne des frissons. 

Pour retrouver la bande-annonce du programme: 

Un article écrit par Océane Boyadjian, Julie DeschryverMaureen Corboz, Molly Proctor et Isaline Riet–Lesieur.