Rencontre avec Barbara Noiret, responsable de l’atelier Tristes tropiques

Rencontre avec Barbara Noiret, responsable de l'atelier Tristes tropiques

Chaque année, le festival Objectif Censier est orchestré autour de différents ateliers de réalisation portés par plusieurs enseignants de cinéma. Ces ateliers, tournés vers une consigne propre à chacun, permettent aux étudiants de réaliser ce qui est souvent leur premier court métrage. Aujourd’hui, rencontre avec Barbara Noiret, responsable de l’atelier “ Tristes tropiques ” qui nous fait part de ses différentes réflexions et de son rapport avec Objectif Censier.


Vous êtes responsable de l’atelier « Triste Tropique ». Pouvez-vous nous le présenter en quelques mots ?
Tristes tropiques, roman de Lévi-Strauss, évoque le progrès et les effets dévastateurs qu’une société “mécanique” produit sur son environnement. Je propose aux étudiants de réaliser un court métrage sur les questions écologiques : réchauffement climatique, disparition de la faune et de la flore, agriculture intensive, surproduction industrielle, urgence sanitaire. Le cours se déroule en partenariat avec le Muséum d’Histoire Naturelle et le Jardin des Plantes, situés à deux pas de l’Université.

Selon vous, comment le cinéma et le court métrage peuvent être des outils de la lutte contre le dérèglement climatique ?
L’urgence écologique est l’enjeu du XXIème siècle.
Depuis 4 ans, je développe des cours en lien avec l’écologie, au sein des Universités Paris III (département Cinéma Audiovisuel) et Paris VIII (départements Arts plastiques et Théâtre).
L’avenir ne pourra se construire sans un soin apporté au vivant, sans réparer ce que l’homme a détruit. Notre société capitaliste n’est pas la seule société viable, je refuse d’attendre que les puissants s’en saisissent quand les catastrophes – que nous connaissons déjà – parviendront de manière exponentielle dans nos villes. Je préfère m’engager du côté du vivant, de la résistance, de la lutte. Imaginer un monde où chacun sera protégé, accompagné. Comme l’énonçait l’actrice Adèle Haenel, lors du séminaire de Paul B Précidao qui s’est tenu au Centre Georges-Pompidou en octobre dernier, « il nous faudra beaucoup de douceur et de bienveillance » pour y parvenir.
Le cinéma a toujours été un outil pour révéler, dénoncer, faire avancer les idées. Bien que le monde entier soit confiné, les films ont le pouvoir de voyager au-delà des frontières et des langues ; plus que jamais, ils ont la possibilité de se diffuser via internet, contrairement au spectacle vivant ou aux arts plastiques.

Pouvez-vous nous présenter les groupes de réalisation et les projets qui se sont formés cette année dans votre atelier ?

Voyageur(s) du futur, un film de June Bocquet – Équipe : June Bocquet, Nina Thirion , Kathérina Mishyna, Louise Guymont-Vagn
Dans un futur proche où la biodiversité s’est presque éteinte, une émission de télévision hebdomadaire fait la promotion d’un nouveau dispositif permettant de retrouver les merveilles de la nature : les vacances virtuelles, entièrement à domicile.

Aquarium, un film de Sarah Geroux – Équipe : Sarah Geroux, Thimothée Depalle, Jennifer Ni, Mathieu Yuan++
Inspiré du film Les Mains Négatives de Marguerite Duras, Aquarium est un documentaire expérimental qui pose la question de l’insertion de la faune et de la flore marine dans l’espace urbain. Nous utiliserons différents procédés techniques et artisanaux pour faire voyager des poissons à travers la ville, avec l’utilisation de filtres faits mains à base de plaques de verre/plastique et de peinture, tout en alternant images tournées et images d’archives. Le film met en scène l’aspect vertigineux de l’omniprésence de faune et flore marine d’une part, et les images de la ville vidée de ses citoyens d’autre part ; une voix off d’un ou plusieurs experts de la faune marine accompagnera les images. Des sons de carillons, de respiration, et de sons ambiants de la ville seront aussi convoqués.

Vermeil, un film de Noémie Guillaumin, Alexandre Carretero, Lilou Knecht, Théo Bonardel, Robin Fery et Matis Bros
Au détour d’une pépinière, un quidam est frappé d’une inextricable obsession pour un bonsaï d’apparence commune, si bien qu’il semble condamné à une sorte de dépendance ineffable vis-à-vis de cet arbre. Après en avoir fait l’acquisition, il observe une anomalie poindre sur son protégé : certaines feuilles tournent vers un rouge vif des plus inquiétants… Convaincu qu’il s’agit là d’un problème lié à sa piètre routine de vie, il décide d’abandonner son laisser-aller habituel pour offrir à sa plante un espace de vie plus sain. Mais cette certitude qui voit la solution dans un changement de comportement individuel plus éco-responsable suffira-t-elle ?

Sammy Seddaoui – film tourné à l’étranger

Denola Gugava – film tourné en Géorgie
Luka vit un jour ordinaire en quarantaine, en Géorgie. Il décide un jour de rattraper ce qu’il a ignoré depuis de nombreuses années. Il parvient à échapper aux bruits de la ville pour retrouver une paix interne.

Le festival existe depuis maintenant 13 ans, quelle est votre relation avec Objectif Censier ?
Il s’agit de ma seconde année au sein du festival Objectif Censier.
J’ai été recrutée en ma qualité de réalisatrice par Perrine Boutin, qui a apprécié mon parcours d’artiste plasticienne et réalisatrice de films expérimentaux. Elle soutient mes cours dispensés depuis 5 ans et mon fort engagement au sein du Département CAV.
Je dispense un autre cours pratique sur la réalisation de films sur la thématique « Des Lumières dans la réalisation » selon les mêmes modalités que ceux d’Objectif Censier (réalisation d’un film, de son écriture à son montage final). J’ai dispensé 3 ans un autre cours intitulé « Le Trompe l’œil cinématographique », dans lequel les étudiants étaient invités à concevoir des installations vidéo in situ dans les espaces de l’université, pour une rencontre avec le public.

Et pour finir, cette année le thème du festival est celui du « Vertige ». Quel film, que vous aimeriez partager avec nous, cette notion vous inspire-t-elle ?
Vertigo d’Alfred Hitchcock, au delà de son titre éponyme, constitue une référence immédiate au thème du festival. Les rapprochements formels, les effets spéciaux, le suspense haletant ainsi que les rapports constants au vide (chutes) subis par des protagonistes, nous plongent dans un thriller fait de vertiges visuels et psychologiques.

Propos recueillis par Mattéo Feragus